Friday, March 28, 2008

Billet de demain

Le billet radiophonique de demain sera présenté à 8h20 à l'émission Nulle part ailleurs. J'y parle d'honnêteté... enfin, plutôt de l'absence de celle-ci, et du fait que tous les parents deviennent de fieffés menteurs...

Le billet écrit sera disponible sur le site après l'émission.

Bon week-end!

Saturday, March 15, 2008

À la recherche de l'élégance perdue

Billet radiophonique lu ce matin à l'émission Nulle part ailleurs (Radio-Canada, Sudbury). Le billet audio sera en ligne sur le site de l'émission plus tard aujourd'hui.

***

Moi, je dois vous dire franchement, en tant que parent, je ne crois plus tellement à l’élégance.

Songez aux deux gestes cruciaux qui définissent les êtres humains depuis des millénaires : s’habiller, se déshabiller. Il arrive qu’on essaie de le faire avec élégance, une tâche parfois ardue, mais somme toute agréable. Cependant, quand on a des enfants, on se rend compte que se vêtir et se dévêtir avec élégance peut devenir un combat contre les forces d’un mal sournois, j’ai nommé : le mal habillé.

Sans enfants, ah, sans enfants... Je songe à ma vingtaine, et je revois cette jeune femme butinant dans sa garde-robe, examinant chaque morceau d’un oeil critique mais avec le coeur plein d’espoir, sortant d’un ensemble coordonné pour mieux entrer dans un autre, se changeant entre 10 et 150 fois afin d’être la plus belle pour aller danser...

Aujourd’hui, si je me change entre 10 et 150 fois, c’est parce qu’un bébé a régurgité sur mon chandail ou est venu se moucher dans ma jupe. Encore et encore. Et si je danse, c’est avant de sortir, et pour éviter les doigts pleins de confiture d’une fillette qui se découvre des envies de câlins post-tartine.

Sans enfants, ah, sans enfants! On collectionne des sous-vêtements sexy qui nous donnent l’air et les ailes d’un oiseau des Caraïbes. La beauté intérieure? On s’en moque. On n’a pas besoin de se sentir belle à l’intérieur, on rayonne suffisamment dans notre micro soutien-gorge en dentelle rose qui arriverait à peine à soutenir notre abondante poitrine si celle-ci ne se soutenait pas déjà fièrement toute seule. Et dans notre string léopard, on a certes peur des courants d’air, mais on est prête à toute éventualité.

Après les enfants, hof, après les enfants... Notre beauté intérieure, mesdames, c’est tout ce qu’il nous reste. Nos sous-vêtements sexy? Nos enfants s'amusent avec. Quoi de mieux qu’un soutien-gorge en dentelle rose pour simuler le bonnet de nuit de poupée Cendrillon? De toute manière, après l’allaitement, on a pratiquement besoin d’un corset en acier galvanisé pour redonner un peu de oumph! à ces deux inconnus qui se sont lâchement rapprochés du centre de gravité terrestre sans nous demander notre avis. Quant à notre string léopard, ne dirait-on pas qu’il a été créé exprès pour remplacer les courroies défectueuses de la poussette de Barbie?

Sans les enfants... (soupir). Sans les enfants, notre amoureux nous trouve à croquer dans notre nouvelle robe à fleurs et nos escarpins chics. Paradoxalement, cette admiration provoque en lui l’envie de nous dévêtir sauvagement afin de nous interpréter la « Flûte enchantée » version 18 ans et plus. Ce à quoi nous acquiesçons, n’est-ce pas, mesdames? Tout ce qu’on risque, c’est que notre jolie robe à fleurs soit un peu froissée, mais ce sera amplement compensé par le rose délicieux qui nous montera aux joues.

Les enfants, bien, les enfants... Eux aussi, ils nous trouvent belle. Surtout les petites filles. Et les petites filles aussi veulent nous déshabiller. Pour nous piquer nos trucs! Pour parader dans la cuisine en faisant clic-clac, clic-clac avec nos escarpins que nous retrouverons plus tard remplis de confiture. Pour tournoyer dans notre belle robe à fleurs, si jolie, tout en profitant de l’occasion pour se moucher le trop-plein dans la manche.

Je sais de source sûre que certaines parmi nous ont eu l’audace de se rebeller. Que certaines mères, dont j’admire le courage, ont refusé de céder leurs habits de bal à leurs fillettes revendicatrices. Mais alors là, les petites, elles se mettent à pleurer, et Maman les prend dans ses bras, et elles finissent quand même par se moucher dans sa manche, les vauriennes.

Je pourrais continuer comme ça indéfiniment. Sans enfants, on se remonte les cheveux dans un chignon négligé qui dénudera notre gracieux cou de gazelle. Avec les enfants, on s’attache les cheveux n’importe comment, soit pour ne pas se les faire arracher, soit pour ne pas laisser deviner qu’on n’a pas eu le temps de se coiffer pendant les 4 dernières années. Autant se le dire entre nous, ça ne fonctionne pas du tout : on a quand même toujours l’air de s’être pris la perruque dans le ventilateur.

Quant au parfum, vous avez autrefois utilisé ce précieux liquide afin que ses effluves enivrants attirent auprès de vous le meilleur géniteur possible pour la reproduction de l’espèce. Votre manoeuvre ayant porté ses fruits, vous voilà maintenant réduite à vous en asperger afin de camoufler la petite odeur de lait caillé qui semble dorénavant vous suivre partout. Et là non plus, ça ne fonctionne pas.

Finalement, être mère, c’est comme vivre la vie de Cendrillon, mais au complet . Ils vécurent heureux, ils eurent beaucoup d’enfants, et Cendrillon se retrouva à faire le ménage en haillons comme dans le bon vieux temps. Allons, soyons modernes : le Prince aussi.

Ceci dit, nous serions bêtes de concéder la victoire sans nous battre. C’est pourquoi je m’apprête illico à aller me dénicher une jolie petite robe fleurie que je jure de porter l’été prochain pour aller danser, quitte à l’enfiler en cachette, sur le siège arrière de la voiture.

Pourvu qu’il n’y traîne pas une vieille tartine.

Friday, March 14, 2008

Lu dans La Presse de ce matin

Dans le budget, il paraît que "la ministre offre une hausse du crédit d'impôt pour frais de garde. Les parents de 93 000 enfants bénéficieront de la mesure."

Vous faites comme vous voulez, mais moi, j'arrête quand même à deux.

***

Ceci dit, demain matin, vers 9h15, ma chronique radiophonique d'Humeurs indignes traitera d'élégance. Avec un grand "Euh". Le technicien (23 ans, toutes ses dents, 0 enfant) m'a confié à la fin que "ça n'était pas très encourageant". M'enfin, vous déciderez pour vous-mêmes...

Je publierai le texte demain en fin de journée. La chronique elle-même sera disponible sur le site de Radio-Canada après l'émission.

Thursday, March 06, 2008

Non, ce pays n'est pas pour la self-estime

Bébé me tend une petite coccinelle bleue en caoutchouc qu'elle a volée dans un jeu appartenant à sa grande soeur. (Bon, je dis "volée", mais j'ai tort, puisque pour Bébé, l'Univers et toutes ses créatures lui appartiennent de droit.)

-- Tins, Maman.

-- Oh, une coccinelle!

-- NON! (Crétine!) C'é PAS une cossinelle! C'é un bôôôôbô.

-- Ah! Un bonbon. Bien sûr. Un beau bonbon bleu. C'est pour moi?

-- Ui.

Je porte la cocci-- pardon, le bonbon, à cinq centimètres de ma bouche et roule des yeux en signe de fervente délectation.

-- Mmm! Que c'est bon! Crounch, crou--

-- NAOOOOOOON! (Imbécile!) Faut san-semblant!

-- Heu, oui, évidemment, faut faire semblant. C'est ce que je...

-- Faut SAN-SEMBLANT! (Bordel!) Cô ça!

Bébé m'arrache des mains l'objet du litige et, me regardant de l'air de dire "observe et tire des leçons, espèce de tarée", se met à faire "crounch crounch" en tenant la coccinelle (pardon, le bonbon, je n'apprendrai jamais) à un bon 30 centimètres de sa bouche. Voilà, Maman, comment on san-semblant.

Non mais.

Ensuite, Bébé replace délicatement le "bonbon" sur la table et me jette un regard d'avertissement.

-- Toupa.

-- Touche pas? D'accord, Maman n'y touchera pas.

Sauf que, tout de suite après, Bébé me regarde de l'air d'un revendeur de Xanax qui rencontrerait Carla Bruni six mois après son mariage. Suave. Assuré de faire une vente.

-- Oh! Gad', Maman! Un bôbô pou touâââ!

Un bonbon? Pour moi??

-- Oh, un bonbon pour moi! Merci Chérie! Je vais bien faire san-semblant, regarde!

Je m'empare de la coccin--

-- NOOOOOON!!! TOUPA, Z'AI DIT!!! TOUPAAAAA!

Bon sang! Je... Je viens de me faire avoir comme une débutante!

Retour de la coccinelle sur la table. Et retour de l'air suave chez l'héritière fourbe. Qui me murmure d'une voix invitante:

-- Rhôôôô... Gad' Maman... Un beau bôbô pou TOUA!

La tentation est énorme. La pression, étouffante. Mais trop d'intérêts sont en jeu. Ne. Pas. Flancher. Sous le regard vigilant de Bébé, je reste par-fai-te-ment immobile. Deux, trois... cinq longues secondes.

Et, sur les jolies lèvres roses de Bébé, naît ce qui ne peut être qualifié que de rictus de satisfaction.

Elle n'a pas dit "Excellent, Fido, nous finirons par faire quelque chose de toi. Et maintenant, cou-couche panier". Non. La vraie femelle alpha n'a point besoin d'enfoncer le clou.

Mais, devant vous, je fais cette promesse solennelle: lorsque, un jour, Bébé me traînera dans les concours d'obéissance canine, j'irai pas la chercher, la ba-balle.

Non mais.

Sunday, March 02, 2008

Pour en finir avec le bricolage

Second billet radiophonique lu à l'émission Nulle part ailleurs (Radio-Canada, Sudbury).

***

Moi, je dois vous dire franchement, en tant que parent, je ne crois plus tellement à l’art.

C’est pas que je ne trouve pas de mérite aux toiles de Picasso ou de Monet. C’est juste que je ne peux pas voir une de leurs toiles sans penser à ce qu’ils ont dû faire endurer à leurs parents quand ils étaient petits, côté bricolage.

Parce que moi, je déteste le bricolage.

En fait, non, je ne déteste pas le bricolage. Ce que je ne peux pas supporter, c’est qu’on fasse faire du bricolage aux enfants pour les mauvaises raisons. Est-ce que quelqu’un parmi vous croit réellement que jouer avec de la colle, du papier journal chiffonné et des boules de ouate aide à développer chez les enfants leur sens artistique? Mettons quelque chose au clair : des rouleaux de papier de toilette et des boîtes d’oeufs vide, ça n’est pas artistique.

C’est laid.

Si votre enfant vous demande s’il peut faire du bricolage avec le contenu du bac à recyclage, dites NON! Parce que non seulement rien ne ressemble plus à un rouleau de papier de toilette vide qu’un bricolage fait en rouleau de papier de toilette vide, mais en plus, comme les fameux rouleaux de papier de toilette auront, dans la tête de votre artiste en herbe, accédé au statut d’ART, ça sera ensuite impossible pour vous de remettre le bricolage à l’endroit qui lui convient, c’est-à-dire dans le bac à recyclage. Vous devrez laisser traîner, pardon, trôner ces oeuvres dans les rayons de votre bibliothèque et vos amis riront de votre bordel dans votre dos pendant des années.

Mais, me répliqueront certains idéalistes qui ne se sont pas encore reproduits, peut-être que le bricolage sert à développer la dextérité des tout-petits? Peut-être que découper du carton ou jouer avec de la pâte à modeler prépare en fait nos enfants à gagner leur vie en faisant de vrais métiers, comme chirurgien ou réparateur de nids de poule?

Je vais vous dire une chose, messieurs-dames qui n’y connaissez rien aux enfants, au bricolage et à leurs périls combinés : ce genre d’activité développe certes l’habileté manuelle, mais pas celle des enfants, non. Celle des parents. Et quand on est un parent qui se démène pour terminer le souper, se faire demander : « Maman, qu’est-ce que ça veut dire « Colle les cercles l'un au-dessus de l'autre en faisant coïncider les pliures »? », ça... comment dire... ça nous fait vraiment rêver à un monde sans papier de construction.

Mettons les choses au clair : quand vous voulez faire un cadeau à votre nièce de 7 ans et que c’est écrit sur la boîte : « Magnifique chat 3D à assembler, 153 morceaux, 8 ans et plus, assistance parentale peut être requise », vous n’achetez pas. Vous. N’achetez. Pas. Bien sûr, votre nièce deviendrait votre amie pour la vie. Mais vous brûleriez aussi tous les ponts entre vous et ses parents, c’est-à-dire les personnes qui comptent vraiment. Car ce sont nous, et pas les enfants, qui avons le pouvoir de vous inviter à souper ou de vous prêter de l’argent.

La grande différence entre nous et les enfants, c’est que les enfants, ils veulent avoir leur chat 3D mais ils ne sont pas capables de le faire. Nous, les parents, on est capable de faire coïncider les pliures, mais on n’en a rien à cirer du chat 3D. On a d’ailleurs remarqué son air vaguement hébété d’animal dont les parties intimes ont été éparpillées dans une boîte et portent maintenant les numéros 12, 34 et 126. Et on n’en veut pas sur les tablettes de notre bibliothèque.

Oubliez le sens artistique et la dextérité. La seule et unique bonne raison pour mettre un pinceau dans la main d’un enfant, c’est que ça nous libère un quinze minutes pour finir notre roman policier ou nous servir un apéro.

Et comprendre ça, c’est s’ouvrir à une toute nouvelle manière d’aborder le bricolage. Puisque le vrai objectif est désormais de gagner du temps, on ne se casse plus la tête à trouver des endroits propices à faire sécher les peintures hideuses de Junior. On les empile plutôt les unes par-dessus les autres, encore humides des envolées van goghiennes de notre progéniture, afin qu’elles sèchent en petits tas pratiques, jetables à la poubelle en une seule étape facile. (Enfin, en deux étapes : car il faut en plus enterrer les dessins sous les pelures de pommes de terre, pour ne pas que Junior tombe dessus en jetant sa gomme et nous fasse sa crise de l’artiste incompris.)

De même, lorsque, avec sa gouache ultra-lavable, Bébé peinture sur la table plutôt que sur la feuille, on n’intervient pas. Tant qu’on a la paix pendant quinze minutes, on laisse faire la nature. Idem si Bébé décide de se tatouer le corps avec ses crayons feutre non toxique. Il s’amuse, alors profitons-en pour chiper quelques barres Mars dans le fond de son sac d’Halloween. Veillons tout de même à ce que notre enfant ne se colore pas le dedans des yeux avec son marqueur de teinte asperge. Voir son bébé pleurer vert pendant dix minutes, c’est tout de même un peu culpabilisant, et ça nous empêche de profiter pleinement de sa dernière mini KitKat.

Certains m’accuseront de n’avoir aucune limite, allant jusqu’à dire que je n’interviendrais pas si Junior mangeait ses crayons, pourvu que je puisse terminer mon Sudoku tranquille. Alors là, je dis non. Si Junior grignote le matériel, il faut en racheter, et ça coûte quand même cher, ces cochonneries.

Enfin, tout ça pour dire que je n’ai absolument rien contre Monet et Picasso. À la limite, je serais même prête à accrocher une ou deux de leurs toiles chez moi, pourquoi pas? Mais qu’on ne vienne pas reprocher à maman Picasso d’avoir jeté les bricolages de son fils quand il était petit. Si elle les avait gardés, les amis de Monsieur et Madame Picasso auraient ri de leur bordel dans leur dos pendant des années. Et Picasso aurait peut-être pensé que c’était joli, des mobiles faits en rouleaux de papier de toilette, et à cause de cette sale manie, il n’aurait jamais connu le succès.

Sur ce, vous m’excuserez, mais y’a la petite qui s’apprête à se faire une teinture capillaire bleue avec sa peinture à doigts... le moment idéal pour moi d’aller me bricoler un petit gin tonic.

Thursday, February 28, 2008

Ma semaine de relâche

Houlà, grosse semaine, les amis.

Pas vraiment côté enfants, non, c'est pour ça que je suis restée plutôt discrète -- bon, Bébé m'a bien demandé de lui donner un bisou sur les crottes de nez, et a aussi essayé de (et réussi à) me coller sa suce dans la bouche en me hurlant "CAME-TOI MAMAN, CAME-TOI! DODO!", mais ça n'est rien pour fouetter un chat, ni même un masochiste qui le réclamerait le plus gentiment du monde. Non, cette semaine, nous avons plutôt concilié travail et travail, et boulot, et famille aussi un peu (faut quand même rentrer se coucher à un moment donné), et relâché sur le blogue en versant des larmes de sang.

Mais! J'ai quand même quelques petites choses pour vous. Tout d'abord, cette savoureuse photo de la page d'une entrevue que j'ai donnée au journal "24 heures" et qui a été publiée mardi dernier. Remarquez la publicité qui se trouve sous l'article; ça m'a fait chaud... au coeur.



Ensuite, j'ai aussi travaillé avec acharnement sur ma chronique radiophonique de cette semaine, qui s'intitule: "Pour en finir avec le bricolage". J'ai frappé fort sur les rouleaux de papier de toilette, je peux vous le dire. Pas de pitié pour les cartons d'oeufs non plus. La chronique sera diffusée samedi prochain à 8h50 à l'émission Nulle part ailleurs (Radio-Canada, Sudbury) et (merci à l'équipe!) vous pourrez aussi l'écouter en tout temps en allant sur le site de l'émission. Bon, c'est plutôt vous qui dites merci à l'équipe, parce que moi, le truc de l'enregistrement, ça ne me fait pas particulièrement chaud au coeur -- je ne peux pas vous dire à quel point la première expérience d'écoute a été traumatisante, je préfère presque qu'on me hurle de me CAMER directement dans le tympan -- mais c'est la vie, c'est sur le site, allez-y m'entendre mais ne m'en parlez pas. ;-)

Le texte lui-même sera en ligne sur le blogue lundi prochain.

Sur ce, on garde la su-suce solidement en bouche et on se souhaite bonne chance pour la semaine de relâche qui s'en vient. (Chroniques Blondes, elle, est déjà en plein dedans, et je pense qu'elle accepte les encouragements.)

***

P.S. Pour le bisou, j'ai dit non.

Monday, February 18, 2008

La déprime hivernale

Voici le texte de mon premier billet radiophonique d'Humeurs indignes, présenté samedi dernier lors de l'émission Nulle part ailleurs (Radio-Canada, Sudbury). Là-bas, leur festival d'hiver battait son plein.

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Moi, je dois vous dire franchement, en tant que parent, je ne crois plus tellement à la science.

Non, mais c’est vrai : prenez la déprime hivernale.

Les scientifiques, ils disent que la déprime hivernale est due au fait que le soleil se couche tôt. Balivernes! Je vais vous dire une chose que tous les parents savent : la déprime hivernale, c’est entièrement dû aux vêtements. Je parle de ceux dans lesquels on doit, de peine et de misère, insérer nos enfants avant de pouvoir les lancer dehors.

Et la déprime hivernale chez les gens qui ont la chance, euh, je veux dire, le malheur de ne pas avoir d’enfants, elle est évidemment due à leur écoeurement de nous entendre nous plaindre sans arrêt de cette abominable situation.

En plus de se tromper sur l’origine de la déprime hivernale, la science refuse de se pencher sur une multitude de questions pratiques importantes : Pourquoi met-on systématiquement les deux jambes de notre bambin dans la même patte d’habit de neige, et ce, jour après jour et malgré nos efforts de concentration répétés? Pourquoi enfoncer un petit pied dans la seconde botte fait-il automatiquement tomber la première botte du premier pied?

Sans parler des mitaines. Les fabricants de vêtements ont compris que les parents n’avaient aucune chance de pouvoir correctement mettre le pouce des enfants de moins de six mois dans un pouce de mitaine, et ont ainsi mis sur le marché des mitaines sans pouce. Fort bien. Pour ma part, je suis d’avis que ce bannissement du pouce de la mitaine devrait être généralisé. Après tout, pas besoin de pouce pour s’amuser à nos jeux d’hiver traditionnels, comme se faire une commotion cérébrale en glissant sur une plaque de glace, ou encore jouer à cache-cache avec la souffleuse. Ôtons le fardeau du pouce dans la mitaine des épaules des parents débordés, et nous aurons fait un grand bout de chemin vers un hiver sans anti-dépresseurs.

Ah, et puis il paraît que les élections fédérales s’en viennent. Exigeons que soit présente sur la plate-forme électorale de tous les partis un projet de loi visant à interdire aux enfants d’avoir envie de pipi alors qu’on vient tout juste de finir de les habiller pour jouer dehors. Un « J’ai enviiie » susurré d’un ton geignard devrait être puni, au minimum, par une amende de 3$ prélevée de la tirelire du pipi-maniaque; cette somme servira à financer les deux Tylénols extra-forts nécessaires pour guérir le mal de tête qu’il vient de provoquer chez ses parents. Quant au terrible « j’ai fait pipi dans ma culotte » (et, par conséquent, dans mes pantalons de neige, et dans mes bottes), il devrait entraîner une détention provisoire à la maison, le temps que le tout passe à la lessive et que papa et maman oublient l’affront en sirotant tranquillement un gin-tonic.

Parfois, cependant, lorsqu’on a réussi, de peine et de misère, à les vêtir convenablement, on ne peut pas se contenter de catapulter les enfants dehors en leur souhaitant une bonne lutte pour la survie. Dans le cas des festivals d’hiver, par exemple, il faut les accompagner.

L’horreur.

Bon, c’est chouette pour les vendeurs de nourriture, les festivals d’hiver. Ils n’ont pas vraiment besoin de faire cuire les frites et les pogos qui se retrouvent de toute manière congelés à leur arrivée à la table de pique-nique. Tout comme vos doigts, d’ailleurs, qui seront encore engourdis trois jours plus tard. Et que dire des enveloppes de ketchup dont on peut sucer le contenu tout comme on le ferait avec un popsicle. Une expérience gastronomique inoubliable.

Parlant d’expérience gastronomique, le festival se poursuit et vous remarquez que votre bambin, en guise de dessert, lèche gaiement des glaçons décrochés des pare-chocs des voitures, et dont les ingrédients se retrouvent probablement sur la liste de certaines armes chimiques prohibées dans la plupart des pays du globe. Qu’à cela ne tienne, vous neutraliserez ces effets néfastes en lui offrant la classique tire d’érable.

C’est alors que vous vous apercevez que, dans l’euphorie d’avoir réussi à habiller tout le monde pour venir à la fête, vous avez oublié de passer à la banque. Après avoir payé au prix fort vos pogos congelés, il ne vous reste que 75 sous. Prix de la tire : 1 dollar. Vous négociez farouchement avec le vendeur, vous suppliez, vous gesticulez en pointant du doigt Junior qui, s’il n’a pas sa traditionnelle tire d’étable de festival, en paiera les frais chez son psychiatre pendant des années.

Et dans votre for intérieur, vous savez que s’il n’a pas sa tire, la détresse de Junior sera telle qu’il fera aussi pipi dans sa culotte. Et dans son pantalon de neige. Et dans ses bottes. Il fait -14˚, -27˚ avec le facteur vent. Vous êtes à deux kilomètres de la voiture, à 30 kilomètres de la maison. Ce que ce vendeur sans cœur vous réserve, c’est le cauchemar absolu.

Mais le vendeur, pas mauvais bougre (ou peut-être a-t-il vu la lueur sauvage de folie dans votre regard), vous offre finalement la tire gratuitement.

Et Junior, de soulagement, fait pipi dans sa culotte, son pantalon de neige, et ses bottes.

Vous prenez Junior dans vos bras et retournez vers la voiture, ne sachant trop comment vous réussirez à vous en séparer pour le mettre dans son siège, vu la tire qu’il étend consciencieusement sur vos manteaux et chevelures respectives. Vous voilà devenus jumeaux siamois fleurant bon le sucre et le fond de culotte.

C’est le cauchemar absolu.

Alors, quand les scientifiques disent que la déprime hivernale, c’est dû au soleil qui se couche trop tôt, moi, je proteste. Parce qu’au contraire, nous, les parents, épuisés par les exigences de l’hiver, nous sommes ravis que le soleil se couche pour pouvoir enfin coucher les enfants et nous étendre nous-mêmes, semi-comateux, entre des draps accueillants.

Évidemment, à cause de la maudite tire, les petits ne s’endormiront pas avant minuit, mais ça, c’est une autre histoire.

Saturday, February 16, 2008

À vos Internets!...

Je suis un peu à la dernière minute, et je pense qu'il s'agit d'un oubli sélectif, mais je vais lire une chronique à la radio ce matin, à 9h47 précises... C'est ici que ça se passe (vous sélectionnez l'option "Sudbury" dans le menu déroulant de la colonne de gauche, sous "Écoutez en direct: Radio Première Chaîne") .

Je vais mettre le texte en ligne lundi.

Bon week-end tout le monde!

Tuesday, February 12, 2008

Routine, shmoutine

Il faut briser la routine, qu'y disent dans les magazines. Ah! Elle est bien bonne, celle-là! J'aime ça, moi, la routine. Surtout celle du dodo, pour les enfants.

Parce qu'une fois que la routine pré-sommeil est solidement établie, le chemin à suivre est simple et tout tracé:

1. On effectue la routine;
2. On garroche Bébé dans le lit;
et 3. Plus rien!

C'est fait. Bébé s'endormira tout seul et sans tracas, véritable petite image de la douceur et de la tranquillité, petit ange nocturne qui fera dodo jusqu'au lendemain matin sans même se retourner dans son lit.

Sans hurler pour avoir sa su-suce qu'il vient lui-même de jeter par terre.

Sans fracasser à répétition sa lampe sur pied contre le mur qui s'effrite, à force.

Sans nous emmerder, finalement.

...

Je ne sais pas si vous me voyez venir, chers lecteurs. Sans doute que oui, vous qui possédez la perspicacité du grand sage, vous qui savez lire l'infinie détresse qui se cache derrière mes facéties de clown de cirque.

Ce que je veux vous dire, en fait, et que vous avez déjà deviné, c'est que Bébé, mon Bébé, n'en a rien à foutre de la routine du dodo.

Je vais vous donner un exemple. Attention, les coeurs sensibles et les couples enceints qui croient que la vie avec bébé ne sera qu'un jardin de dodos roses, n'allez pas plus loin. Car c'est l'enfer que je m'apprête à décrire.

***

Il est 20h15. Mère indigne s'installe dans la chaise berçante avec Bébé, comme elle le fait depuis deux ans et demi. Elle veut lui chanter une berceuse et la mettre au lit, comme elle le fait depuis deux ans et demi. Et, comme elle le fait depuis deux ans et demi, Bébé adopte un comportement totalement imprévisible.

Une attitude anti-routine, quoi.

Et Bébé a deux ans, comme dans "terrible two". Ça n'arrange rien, je peux vous le dire.

Mère indigne commence à se bercer avec Bébé.

Bébé -- Non. Pas besser.

Mère indigne -- Tu ne veux pas qu'on se berce ensemble? Voyons, c'est chouette, regarde...

Bébé -- Rarrête.

("Rarrête", dans le langage de Bébé, c'est l'antonyme de "Rencore".)

Mère indigne -- Bon, d'accord, on ne bouge plus... Mais Maman va te chanter une belle chanson. Àààà, la claire fontaiiiineuh, m'eeennnn--

Bébé -- Non.

Mère indigne -- Ah. Euh, tu ne veux pas que je chante "À la cl--

Bébé -- NOOOOON!

Mère indigne -- D'accord... Hum. Veux-tu que je te chante la chanson du petit navire?

Bébé -- Non. Rarrête.

Mère indigne -- Veux-tu aller dans ton lit, alo--

Bébé -- Naaaannnnn! Pas dans le liiiiit!

Mère indigne -- Tu veux une histoire?

Bébé -- Non. Pas l'histrare.

Mère indigne, d'un ton mielleux de vendeur de voiture -- Meuh oui, voyons. Tu adores les histoires. Voudrais-tu que je te raconte celle du vilain petit cana--

Bébé -- NONPALISTRARE! RARRÊTEEEEUH!!!

Mère indigne ne dit rien. Quand on manipule de la nitroglycérine, il faut savoir quand se la fermer.

Les secondes s'écoulent, et puis...

Bébé, d'une toute petite voix -- Veux l'histrare des récureuils.

Enfin, du positif! Fallait seulement savoir attendre un peu, c'est tout...

Mère indigne -- D'accord! Je vais te raconter l'histoire des écur--

Bébé, se tortillant soudainement dans tous les sens -- NIIIOOOOONNNNN! PAS L'HISTRARE DES RÉCUREUIIIIIILS!

Argh! C'était un sinistre piège! Tentons un changement de tactique radical. Endormons sa méfiance afin, ultimement, de l'endormir elle-même.

Jasons.

Mère indigne -- Tu sais, quand il n'y aura plus de neige, on va aller faire du vélo!

Bébé -- Non.

Mère indigne, désemparée -- Mais... mais tu aimes ça, faire du vélo! Avec ton casque!

Bébé -- Noooon. Ma l'aime pas le casse. Pas. De. VÉLOOOOOO!!!

Le silence s'installe dans la chambre. S'étire. Il fait noir, Mère indigne n'y voit goutte, mais elle pourrait jurer que Bébé se laisse aller à un rictus de mépris.

La meilleure solution, dans ce cas de figure, c'est la fuite. La fuite dans l'imaginaire.

Mère indigne, dans son for intérieur -- (Alors là, quand je vais raconter ça sur le blogue, je vais écrire que j'ai dit à Bébé: "L'été prochain, on va aller dans la piscine avec Mathis", et là, ça va être super drôle parce que soudainement, Bébé va arrêter de rechigner et va dire "Mathis, il a un zizi-pénis" et c'est ÇA qui va réussir à la calmer et elle voudra enfin aller dans son lit! Hin hin hin. Et là, elle va lire mes chroniques quand elle sera ado, et elle aura SUPER HONTE, et ça, ce sera vraiment trop choueeeeette... Prends ça, Bébé! Maman is the champion, my friend... Mais là, je ne lui parlerai pas de piscine pour vrai, parce qu'y en a marre de ses zizi-pénis à gogo, ça en devient même gên--)

Bébé, interrompant ce monologue réjouissant -- Quand pus de neize, pas de vélo.

Mère indigne -- Mais non. D'accord. Plus jamais de vélo, pour la vie. À la casse, vélos maudits.

Bébé -- Quand pus de neize, ma va aller dans la piscine.

Mère indigne -- Euh... oui...

Bébé -- Avec Mathis.

Mère indigne -- Hum. Oui, avec Mathis et sa maman et son papa et sa soeur et...

Bébé -- Mathis, l'a... l'a un zizi-pénis! Mathissss, l'a un zizi-pénissss. Ma--

Mère indigne -- (Holy COW.)

Bébé -- ...this, zizi-pénis, Mathis, zizi-pé--

Mère indigne -- Euh... Excuse-moi de t'interrompre, chérie, mais... Je me trompe, ou tu t'es calmée?

Bébé -- N'a pu de peine, ma. Veux aller dans mô lit.

Mère indigne -- Ben là! Tu m'as volé mon punch.

Bébé -- Rarrête...

***

(Oui, bon, je sais, toutes ces histoires sur les zizi-pénis, ça en devient gênant à la fin. Mais rassurez-vous: bientôt, je vais publier ici mes capsules radiophoniques, dans lesquelles je ne pense pas me laisser aller au point de raconter la ZP-obsession de Bébé. C'est triste, mais c'est comme ça. Alors dans quelques jours, je vais poster un billet 100% sans zizi-pénis, et on aura un bel équilibre! Mais d'ici là, n'oubliez pas: on peut pas le manzer.)

Wednesday, February 06, 2008

Off Surprises

Mon Dieu, pardonnez-moi, car je dois avoir gravement péché.

Je viens de consulter mes statistiques de blogue pour savoir, entre autres, combien nous sommes à avoir des relations de groupe sur ce site en moyenne une fois par semaine, mais aussi pour avoir une idée des mots-clés que certains d'entre vous tapez sur Google avant d'atterrir ici.

C'est pas joli-joli, les copains.

Bon, que vous cherchiez des "mamans de 40 ans bien roulées", c'est sympathique, mais pour les paroles des "portes du pénis enflé", ou bien de "il fallait pas tant, il fallait pas tant, il fallait pas tant te faire enculer", alors là, non. Allez voir ailleurs si ça y est. Ça vaut aussi pour les "photos de toilettes avec singe". Ce n'est pas le genre de la maison.

Pas plus, d'ailleurs, que les gens qui viennent me faire la bise en espérant trouver ici des "mères indignes nues", des "grands-mères érotiques", des "échangistes sur l'autoroute", de la "morve aux fesses" et même "Binou qui fait des cochonneries".

Seigneur.

Quelqu'un dans cette joyeuse bande s'interroge: "Rions-nous à la même chose?" I don't think so.

Ah, oui. Un avis important aux gens qui sont arrivés ici en tapant "j'aime faire caca dans ma culotte" et "pourquoi je n'ai pas d'amis": si vous ne faites qu'une seule et même personne, ne vous posez plus de questions.

Par contre, ceux qui tombent sur ce blogue en cherchant "zizi manger", alors là oui, on vous a bien renseigné.

Mais dans tout ça, une requête m'a vraiment fait de la peine. Elle disait: "Sors de ma vie, mère indigne!" Le choc. Suivi des questionnements. Qui? Qui a pu me jeter au visage une méchanceté pareille? Père indigne? Impossible! Jean-Louis 3X? Mais ça n'est pas ma faute si la piscine est pleine de neige et qu'il ne peut plus venir se faire bronzer dans la cour! En tout cas, si c'est lui, ça prendra plus que "la magie blanche pour raviver la flamme entre nous", je vous le garantis.

Mais qu'à cela ne tienne, je persiste et je singe! (Euh, pardon: je signe.) Je voulais vous faire une surprise moi aussi: je vous annonce qu'à partir du 16 février, j'aurai le plaisir de livrer toutes les deux semaines un billet radiophonique qui s'intitulera Humeurs Indignes.

Ça va se passer à Radio-Canada (Sudbury), à l'émission Nulle part ailleurs, présentée le samedi matin. Vous pourrez écouter l'émission en direct sur Internet, et probablement lire les billets ensuite sur le Off indigne. Merci à l'animatrice de l'émission, Mélanie Tremblay, et aussi à toute son équipe, de m'offrir cette belle opportunité (et d'avoir trouvé le génial titre du billet à ma place!).

Bon, sur ces chouettes nouvelles, je vous laisse. Faut absolument que je sache qui a eu l'audace d'arriver ici en pensant trouver des "off p'tits seins". Non mais...

Tuesday, January 29, 2008

Échec et maths

Les filles, faut que je vous raconte.

Quand j'ai été au dépanneur l'autre soir, je me suis fait outrageusement draguer. Et pas par n'importe qui, hein! Par un membre de l'espèce sauvage communément appelée "les petits jeunes". Incroyable, hein? Le machin, là, derrière le comptoir, ça avait à peine 20 ans! Et ça me draguait, j'en suis sûre!

Comment je le sais, qu'il me draguait? Trop facile! Trop "faf", comme dirait Fille Aînée.

Il me tutoyait.

Si c'est pas la haute-voltige de la séduction, ça, mesdames, je ne sais pas ce que c'est.

Non mais, c'est vrai. Tout le monde le sait. Avant trente ans, on a besoin d'un paquet de flas flas pour comprendre que ces messieurs, si timides, si réservés, nous feraient bien une place dans leur coeur à côté du dernier modèle d'iPod. Ça nous prend des regards sulfureux mais pas trop, des jeux de genoux éloquents mais juste assez; parfois même, on exige de la conversation. Fariboles! Carabistouilles!

Après trente ans, on devient beaucoup plus désesp-- avisées. D'entrée de jeu, on comprend que le tutoiement, loin d'être un banal choix de langage, signifie "je te considère comme mon égale, l'âge n'a pas d'importance, envolons-nous ensemble sur les ailes d'un transporteur aérien à rabais afin d'aller découvrir les méandres des paradis tropicaux ainsi que les nôtres, et tout cela, alcool inclus."

Alors quand le petit jeune m'a dit "Salut! Ça va-tu bien?", j'en avais déjà les jambes toutes ramollies.

Je me mis à arpenter les allées du dépanneur en fredonnant "Il était une fois nous deux". J'étais hypnotisée par les pots de mayonnaise, dans lesquels je voyais la crème solaire que nous glisserions dans nos bagages, moi et le petit jeune, afin de vivre sans insolation notre rêve fou.

C'est au moment de payer que les choses se sont gâchées. Je déposai mon Canada Dry et mes deux contenants de lait sur le comptoir, et le jeune me posa la question fatale:

Petit jeune -- T'as-tu la carte du CAA?

Remarquez le tutoiement doublé. Ah, ça, il y allait fort, le jeune homme. Il avait compris que la qualité, ça ne se négocie pas. Mais de mon côté, c'est là que j'ai commis ma première erreur. J'aurais dû comprendre que c'était une question purement rhétorique. Que la carte du CAA, y'a que les vieux qui en ont une. Que les femmes avec qui on rêve d'aller explorer l'Amazone en string ne possèdent pas de carte du CAA. "La carte du quoi?" aurais-je dû répondre avec dérision.

Mais non. J'ai choisi la voie de l'échec.

Moi -- Euh... Ça donne quoi, au juste, la carte du CAA?

Le petit jeune -- 2% de rabais sur les achats.

Il n'a pas dit "Un dérisoire 2% qui ne vaut pas le fait qu'en me présentant ta carte, tu deviendras à mes yeux, et à jamais, une vulgaire matante", mais de toute manière, ça n'aurait pas changé grand chose. Parce que moi, j'étais déjà en train de faire le calcul.

2% sur deux fois 3,25 plus 1,25, ça fait, euh... euh... Deux fois trois, six, plus 1, plus trois fois vingt-cinq, et là on parle de sous, alors... tralala, j'économise un peu plus de 8 sous. HUIT SOUS! Wow. Malade! J'ai réussi à faire le calcul!

Mon regard éclatant traduisait ma joie d'avoir vaincu la multiplication des pourcentages. Son regard méprisant traduisait le fait qu'il pensait que mon regard éclatant signifiait que je m'énervais pour même pas dix cennes.

Le reste ne fut qu'une suite d'erreurs tragiques. Les miennes.

Moi -- Oui, euh, c'est parce que, du lait, j'en achète souvent, c'est pour les enfants...

Sourcils froncés du commis qui ajoute quelques années à mon curriculum et qui, horreur, comprend que ce corps caché sous six couches de vêtements a servi à autre chose qu'à s'abandonner aux plaisirs débridés de la chair.

Moi -- Euh, en fait, c'est mon mari qui insiste pour qu'on aie la carte du CAA...

Regard inquisiteur du commis qui remarque mon alliance et qui s'imagine alors, j'en suis certaine, sa cliente debout sur une chaise, ridiculement hilare, en train de se faire arracher la jarretière par un inconnu bavouillant, devant une foule qui a trop profité du bar ouvert.

Et le massacre n'était même pas terminé.

Moi -- Et, euh... du Canada Dry, je... j'en bois jamais d'habitude, c'est juste que ce soir, euh...

Non, non, malheureuse!, me criait mon instinct millénaire de chasseresse. Ne dis rien! Ne--

Moi -- ... J'ai des problèmes de digestion.

Le commis, dégoûté -- Ça vous fera 7,75$.

Vous! Il m'avait dit vous.

Oubliées, nos promenades sans fin sur les plages de Bali, nos courses folles dans la mer, les coquillages qu'il m'aurait offerts en me lançant de timides regards d'admiration et de déférence, nos après-midis passés à nous éclabousser en riant, riant... Tout ça, mort et enterré, parce que ce jeune blanc-bec ne pouvait pas (ou ne voulait pas?) comprendre que j'avais mangé trop de crème fouettée avec les fraises, au dîner.

Je saisis mes emplettes d'un geste rageur et me dirigeai vers la sortie sans un regard en arrière. Je ne pus cependant m'empêcher, avant de claquer la porte, de lui décocher ce trait assassin:

-- Je n'en portais même pas, de jarretière, à mon mariage! Traître!

Cassé-bouché, il était, le petit. Je pense même que j'ai vu son doigt frôler le bouton-panique.

***

Père indigne -- Tu as parlé de tes problèmes de digestion??

Mère indigne -- Ouiiiii! (sniff) Et après... après... il m'a vouvoyée!

Père indigne -- Allons, allons. Je te prépare une vodka-orange, et on n'en parle plus. De toute manière, tu oublies le principal.

Mère indigne -- (sniff) Quoi?

Père indigne -- Eh, bien, tu t'es trompée dans ton calcul. Ce n'est pas huit sous que tu as épargnés, mais bel et bien QUINZE!

Mère indigne -- Mais... mais alors... Je suis une héroïne?

Père indigne -- Avec cette carte du CAA, plus rien ne pourra t'arrêter.

Mère indigne -- Oh, Chéri... Comme tu sais parler à ta femme...

Père indigne -- Qui plus est, il me vient à l'esprit une excellente suggestion: pour exorciser tout ça, on se rejoue la scène du dépanneur. Mais cette fois, c'est moi le commis...

Saturday, January 26, 2008

Tranche de vie, cuvée huit ans et demi

Fille Aînée -- Maman, maman! J'ai inventé une blague!

Mère indigne -- Vas-y, j'écoute...

Fille Aînée -- Sais-tu ce qui est écrit en premier sur la liste de course d'un petit orphelin?

Mère indigne -- Heu. Des parents?

Fille Aînée -- Hin hin hin! C'est ça! DES PARENTS!

Mère indigne -- Hin hin hin... Hum. C'est pas... enfin... C'est pas très gentil comme blague.

Fille Aînée -- Oh, mais je ne voulais pas rire des orphelins, hein. C'est juste que dire qu'il y a des parents sur leur liste de courses, je trouvais ça drôle...

Mère indigne -- Oui, je comprends. C'est parce que c'est incongru de penser qu'on pourrait trouver des parents au magasin. C'est ça, la vraie blague, ce n'est pas que les orphelins n'ont pas de parents.

Fille Aînée -- Ouais. C'est ça.

Mère indigne -- C'est comme si tu demandais ce qui est écrit en premier sur la liste de courses d'un unijambiste. Ce ne serait pas pour--

Fille Aînée -- C'est quoi, un unijambiste?

Mère indigne -- Quelqu'un qui a juste une jambe. Alors si tu demandes--

Fille Aînée -- Une jambe.

Mère indigne -- ... ce qui est écrit en prem--

Fille Aînée -- Une jambe.

Mère indigne -- ... premier, sur la liste de courses d'un--

Fille Aînée -- Une jambe!

Mère indigne -- ... d'un unijambiste, la--

Fille Aînée -- Une jambe!

Mère indigne -- ... la réponse, c'est--

Fille Aînée -- Unejambunejambunejambunejambunejambe!

Mère indigne -- ... c'est une--

Fille Aînée -- JAMBE! Hein maman, c'est une jambe!

Mère indigne -- Ben oui, c'est une jambe.

Fille Aînée -- Je le savais! Hin, hin...

Mère indigne -- Mais c'est pas pour rire des unijambistes que--

Fille Aînée -- Une jambe! Hin hin hin...

Mère indigne -- ... qu'on fait la blague.

Fille Aînée -- Hin hin hin!

Mère indigne -- Hin hin hin!... Hum.

Monday, January 21, 2008

L’amour à trois, ou les alexandrins de la frustration

(Ces quelques lignes de poésie pleines de tendresse sont dédiées à Chroniques Blondes, qui nous rappelait vendredi dernier que «nos chères têtes blondes sont bel et bien notre meilleur moyen de contraception».)

***



***

Dans la maison Indigne, au lit sont les petites
Et Père indigne, l’œil vif, y va de son invite

PÈRE INDIGNE
Les filles sont couchées, sans gastro ni bronchite
Profitons du sommeil qui enfin les habite
Si tu l’oses, de l’amour, accomplissons le rite
Ma baguette magique, c’est de la dynamite

(Mais leurs premiers ébats, leur future inconduite
Sont interrompus par un virulent pruït! pruït!)

MÈRE INDIGNE
Qu’est-ce donc que ce bruit, interruption fortuite
Qui distrait mon esprit de ton bloc de granite?

PÈRE INDIGNE
Heu, parlant de baguette, c’est Bébé qui agite
Celle que tu as achetée dans un Dolloramite

MÈRE INDIGNE
Que fait-elle dans son lit, cette baguette maudite?

PÈRE INDIGNE
C’est moi qui l’y ai mise, c’est sa favorite
Mais rétrospectivement, je me traite de twit!

MÈRE INDIGNE
Ouain, si ça continue tes carottes sont cuites
Ce bruit (pruït!) mettra ma libido en faillite

PÈRE INDIGNE
Attendons dans le noir, peut-être bien que (pruït!)
Bébé s’endormira, et nous pourrons ensuite
(Pruït!) Jouer à explorer grotte et stalagmite

Les parents tendent l’oreille vers les bruits parasites
Et après quinze minutes ponctuées de pruït!
Le dodo semble enfin imposer ses limites…

PÈRE INDIGNE
Plus de pruït!, ma chérie, ne soit pas déconfite!
Bébé dort! À l’attaque! Enlève-moi cette (pruït!)
(Pruït! pruït! pruït! « Fèreuh Zak! » Pruït! « Matineuh! » Pruït, pruït!)

MÈRE INDIGNE
Range la tienne, de baguette, parce que tous ces "pruïts!"
M’ont jusqu’à enlevé le goût d’une petite vite

PÈRE INDIGNE
Je comprends, ma chérie. Que ce destin m’irrite!
J’aurai toute la nuit une crampe à la frite.

Tuesday, January 15, 2008

Ça change du jambon roulé

A priori, je n'ai rien contre France Gall et Jacques Dutronc. Poupée de cire, poupée de son, c'est très bien, et entendre la pauvre France chanter l'amour d'Annie pour les sucettes a quelque chose d'émouvant.

Mais ces deux-là jouent aussi à un jeu dangereux. Ils chantent des chansons qui parlent de thèmes d'adolescents et d'adultes, mais qu'à cause de leurs mélodies rigolotes, les enfants aiment aussi. Ça, ça nous fait peur, à nous, les parents. Car même si on préfère Dutronc à Océane, il y a des choses qu'on aime mieux ne pas avoir à expliquer.

Fille Aînée -- Maman, c'est quoi un piège à filles, un piège tabou, un joujou extra, qui fait crac-boum-hu?"

Moi -- Euh... Une Wii.

Fille Aînée -- Aaaaah, d'accord.

(Soeur Indigne, à qui nous avons relaté l'incident -- Ah, ouais. Une Wii, Wii, Encore.)

Cependant, rendons à Fille Aînée ce qui lui appartient: à huit ans, elle est encore l'innocence incarnée. C'est pas comme l'autre, là, le truc de deux ans et demi qui gambade dans la maison en scandant ZIZI-PÉNIS et en célébrant le potentiel érotique du jambon roulé. D'ailleurs, la chanson préférée de Bébé, en ce moment, je vous le donne en mille, c'est "Les Playboys" de Dutronc. Elle, je suis convaincue qu'elle le sait d'instinct, ce que c'est, le joujou qui fait crac-boum-hu.

L'instinct, chez les bébés, ça peut être terrifiant.

Mais Fille Aînée, c'est différent. Un oasis de pureté au milieu d'un désert de jambon. À preuve, cette conversation entre elle et moi dans un petit train électrique de centre commercial:

Fille Aînée -- Maman... Est-ce que je pourrais faire un tour de train toute seule, tout à l'heure?

Moi -- Toute seule? Mmmm...

Fille Aînée -- Steplèsteplèsteplèsteplèsteplèstepl--

Moi -- ...moui.

Et Fille Aînée, ravie, d'entonner: "Mes premières vraies vacances, j'en rêvais depuis longtemps..."

Ça, c'est une chanson de France Gall, où elle raconte à quel point elle sera ravie de partir à la mer l'été prochain sans ses imbéciles de parents, de rester décoiffée, nu-pieds, et peut-être même de rencontrer un charmant jeune homme qui va lui jaser crac-boum-hu dans un coin sombre de la seule discothèque du patelin. Ou peut-être pas. Car France insiste:

D'accord
Pour la balade en bateau
D'accord
Et s'il m'offre des gâteaux
D'accord
Mais s'il m'en demande trop
Paaaas d'accord

Je craignais un peu le moment où Fille Aînée voudrait investiguer les tenants et aboutissants du "trop" en question. Qu'est-ce qu'il pourrait lui demander "de trop", au juste? J'avoue que dans ma tête, entre le bisou sur la joue et la relation sexuelle non protégée, la réponse n'était pas clairement définie.

Mais, dans le petit train électrique du centre commercial, alors que nous chantions en coeur ce périlleux refrain, Fille Aînée m'a complètement rassurée.

Fille Aînée -- Hein? Comment t'as dit, Maman?

Moi, d'une toute petite voix -- Euh... "Et s'il m'en demande trop, pas d'accord"?

Fille Aînée -- Mais noooon! C'est pas ça qu'elle dit! Elle dit "D'accord, pour la balade en bateau, d'accord, et s'il m'offre des gâteaux, d'accord, mais s'il en mange trop, paaaas d'accord!"

Vive les gâteaux! Et gardons les doigts croisés...

Wednesday, January 09, 2008

La sirène de l'autorité, ou la tentation de la vodka-orange en intraveineuse

Bébé -- Veux tatines.

Mère indigne -- Chérie, c'est l'assiette de Maman.

Bébé -- Patazer.

Mère indigne -- On partagera une autre fois, mon amour. Maman va manger son déjeuner tranquillement, va t'asseoir à ta place pour manger le tien. Regarde, Papa t'a préparé des gau--

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne -- Gauffres! Papa a fait des gauffres!

Bébé -- ...AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne -- Ça va! D'accord ma chérie. Viens t'asseoir sur Maman. Mais s'il-te-plaît, tais-toi.

Bébé -- ...AAAaa. Dézeuner pas à Maman. À ma.

***

Bébé -- Veux tousser.

Mère indigne -- Non, non, non. Ça, c'est les seins-seins de Maman. On ne touche pas.

Bébé -- Patazer.

Mère indigne -- Mais non, voyons. C'est les parties privées. On ne touche pas aux parties privées si l'autre personne ne veut pas. Surtout si on se sert de nos doigts comme des pinces coup--

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne -- D'accord! D'accord. Juste-trois-secondes-après-faut-s'habiller.

Bébé -- ...AAAaa. Rhi hi hiiii!

Mère indigne -- Ouch.

***

Bébé -- Veux cuyottes.

Mère indigne -- C'est les culottes de Grande Soeur. Elles sont trop grandes pour--

Bébé -- WAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne, la tête entre les mains -- Non! Non, chérie. Arrête, s'il-te-plaît. Arrête.

Bébé -- ...AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA...

Mère indigne, plongeant les mains dans le tiroir de Fille Aînée -- Tu veux les culottes de ta soeur? Tiens. En voilà sept paires.

Bébé -- ...AAaa. Pas les cuyottes à Gande Seuh. Les cuyottes à ma. Pas tô gandes.

Mère indigne -- ... Ah, ben oui. Si tu te les mets sur la tête, ça va.


***

Bébé -- Veux bôbôs.

Mère indigne -- Non. Ça, alors, non. Pas de bonbons. C'est dé-fi-ni-tif. Les bonbons,c'est pas bon pour les dents des béb--

Bébé -- WA...

Splat! (Ça, c'est Mère indigne qui a jeté une (grosse) poignée de M&M sur la table. On peut considérer qu'à ce moment précis dans sa vie de mère, elle vient d'abdiquer. Du latin "abdicare", renier. Son autorité, ses principes, tout le kit. Rien à foutre, du moment qu'elle arrête ses hurlements.)

Bébé -- ...Aa. Dé bôbôôôôs. Ci bô. Ci sikké.

Mère indigne -- Oui, c'est sucré. Il va falloir bien brosser tes dents tout à l'h--

Bébé -- NAAOOOOON! Pas bôsser les dents! W--

Mère indigne -- C'est une blague! Ahahahaha. Une blague. Tu vas avoir plein de caries, mais on s'en fout. On. S'en. Fout. C'est beau les caries, dans le fond. C'est la nature. C'est beau. Ahahaha... Et tiens, Maman aussi va se prendre un bonbon! Un bonbon qui se boit... Mais où est donc cette fichue bouteille de vodka?

***

Père indigne -- Où sont mes bonbons?

Fille Aînée -- Où sont mes culottes?

Mère indigne -- Ahahahahah... glou glou...

Thursday, January 03, 2008

Toupie et Binou au pays du jambon magique

Ça se passe il y a trois semaines. La famille Indigne est en visite chez des copains.

Bébé (deux ans et demi), est dans le bain avec Mathis (un an et demi, le fils des copains en question):

Bébé est obnubilée par les parties intéressantes de son compagnon de bain: "Mathis, il a un zizi-pénis."

Mère indigne -- Oui chérie. C'est ça. Un zizi-pénis. Il a aussi un joli petit nez, regarde!

Bébé -- Mathis, il a un zizi-pénis.

Mère indigne -- Oui mon amour. C'est ça. Et aussi de beaux yeux bleus...

Bébé -- MaTHIS, il a un zizi-péNIS!

Mère indigne -- Oui mon poussin. Ça rime. Mais tu sais, Mathis, ça rime aussi avec, euh... lys?

Bébé, s'approchant de plus en plus de l'empire du milieu de Mathis -- Mathis, il a un zizi-pénis! Mathis, il a un zizi-pénis! MATHIS, IL A UN ZIZI-PÉNIS!

Puis, Bébé se tourne vers Mère indigne, lui lance un regard d'une tristesse abyssale et ajoute: "Mais on peut pas le manzer."

***

Deux semaines plus tard, Mathis est en visite à la maison. Bébé observe avec intérêt le moment du changement de couche. Elle a elle-même traîné une chaise près de la table à langer, pour mieux espionner.

Bébé -- Mathis, il a un zizi-pénis.

Mère indigne -- Ah ben oui, il est encore là, celui-là. Et, oh!, son nombril aussi, regarde!

Bébé -- Mathis, il a un zizi-pénis. Mathis, il a un zizi-pénis. Mathisilaunzizipénismathisilaunzizipénismathisilaunzizipénis
mathisilaunzizipénismathisilaunzizipénis... Mais on peut pas le manzer.

Le regret se lit, profond, dans ses yeux empreints d'une infinie tristesse.

***

Hier midi, dans un élan anti-gastronomique presque inégalé, Mère indigne offre à Bébé, en guise de lunch, deux tranches de jambon roulées accompagnées de quelque chose de plus ou moins vert (mais ce n'est pas de la dinde).

Bébé saisit la roulade de jambon entre ses petits doigts, l'examine de très près, la secoue. Puis, ses yeux s'illuminent. Au cri de "ZIZI-PÉNIS!", elle croque joyeusement dans la viande.

***

Les réactions:

Mère indigne: "Ahahahahahahaha! ... Mon Dieu. Dire qu'elle aura quinze ans un jour."

Copine maman: "Tu lui laisses manger du jambon, à deux ans?? C'est plein de nitrites ou quelque chose du genre, voyons!"

Mamie indigne: "Bon. Dis-moi pas qu'elle va être encore plus précoce que sa mère."

Père indigne: "Tu les as lus, toi, ses nouveaux livres de Toupie et Binou? Qu'est-ce qu'il y a, dans les livres de Toupie et Binou? C'est louche. C'est LOUCHE. Donne-moi ses livres de Toupie et Binou. Tu vois? Les couleurs sont un peu psychédéliques. Ça doit être plein de COCHONNERIES, Toupie et Binou."

Mère indigne: "Non. Pas quinze ans un jour. Non. Pas quinze ans un jour. Non. Pas quinze... (etc., etc., etc.)"

Monday, December 31, 2007

Mère indigne sur la corde raide (une fiction dindo-masochiste)

Mère indigne -- C'est super que tu aies pu te libérer pour venir prendre un café à la maison. Avec les fêtes de famille, et tout...

Copine indigne -- Je me suis dit que, comme t'étais toute seule avec les deux petites...

MI -- M'en parle pas. Je suis au bord du précipice mental. Je reçois la famille avec de la dinde ce soir, et Père indigne a décidé de prendre une petite journée de vacances. "Mais on EST en vacances, chéri", que je lui ai dit.

CI -- Un argument de taille. Mais il est parti quand même?

MI -- Ouais, ben c'est parce que moi, je m'en suis pris deux jours de vacances, depuis le début des vacances.

CI -- T'as brûlé tes cartouches, ma vieille. Moi, je suis plus maligne. Je triche.

MI -- Comment ça?

CI -- Ben, je dis que j'ai des courses urgentes à faire, et ensuite, au lieu de rentrer, je vais prendre un café chez une copine accueillante...

MI -- Wouah! T'es géniale. Je me demande si je pourrais partir comme ça un après-midi et faire un voyage au Mexique en catimini? J'essaie de convaincre Père indigne d'acheter un forfait, mais il tient à ce qu'on attende d'avoir remboursé les dépenses des Fêtes. Dieu sait pourquoi.

CI -- Oui, bon, c'est pas tout ça, le soleil et la plage. J'ai quelque chose d'encore plus intéressant à te montrer.

Copine indigne met sous le nez de Mère indigne un petit sac de plastique.

MI -- Fabricville? Tu t'es mise à la couture?

CI -- Non. Je... Enfin... J'ai acheté de la corde.

MI -- T'es sérieuse? T'en as pas mal? Je suis justement en manque de ficelle pour la dinde de ce soir...

CI -- Non, non. Ce n'est pas pour de l'alimentaire.

MI -- Mon Dieu... Tes enfants sont si insupportables?

CI -- Mais non! Pas pour les enfants, franchement! C'est Copain indigne qui... enfin, il veut expérimenter.

MI -- Expé... Non.

CI -- Voui.

MI -- Attends. Attends. Je suis sous le choc.

CI -- Ben là, tu m'énerves. T'en as pas, toi, des fantasmes?

MI -- Partir au Mexique?

CI -- Je parle de vrais fantasmes. De trucs qui impliqueraient des pompiers et des tuyaux, des dompteurs et des tigresses sauvages, des cowboys et des lassos, Dora et Chippeur, ce genre de truc...

MI -- Ben, une fois, j'ai proposé à Père indigne de jouer à la Belle au Bois Dormant. Moi, j'aurais été la Belle, endormie...

CI -- Et Père indigne aurait été le Prince charmant qui t'aurait éveillé d'un doux baiser sur la--

MI -- Non, non, justement! Père indigne aurait été un malappris qui se serait introduit par effraction dans le château et aurait profité, tsé veut dire genre, de la Belle, sans que jamais elle ne se réveille!

CI -- ...

MI -- Tu comprends? Elle ne se réveille pas, parce que c'est pas le vrai Prince!

CI -- ...

MI -- J'étais crevée ce soir là.

CI -- Bon. En tout cas. T'essaieras d'aller acheter pour 90 pieds de corde--

MI -- Quatre-vingt-dix pieds??

CI -- C'est beaucoup, mais on sait jamais... En tout cas, quand la vendeuse m'a demandé si elle pouvait me conseiller, j'ai complètement figé.

MI -- T'aurais dû lui dire que c'était pour ficeler une belle grosse dindonne...

CI -- Ah, ah, ah. J'ai dit que c'était pour ma fille, pour un jeu de cour de récré...

MI -- La tag-bisou, sauf qu'on ne peut pas courir, on sautille?

CI -- T'es conne. En tout cas, je lui ai dit que j'en prenais beaucoup parce que comme ça, Fifille en aurait pour plus longtemps et je ne devrais pas revenir à tout bout de champ. Elle m'a dit que c'était dommage, que si je prenais une carte Élite Cliente Fidèle, j'aurais déjà un rabais de 20% sur mon achat.

MI -- Laisse-moi deviner.

CI -- Ben oui, j'ai pris la carte.

MI -- 20% sur 90 pieds, ça a dû valoir la peine.

CI -- Surtout qu'en fait, la vendeuse m'a conseillé d'en prendre plus, de plusieurs couleurs. Paraît que les jeunes aiment ça, les couleurs. Alors j'ai pris 30 pieds de plus, en vert.

MI -- Oh, boy. Ça va être joli, ce soir. T'as aussi pensé à utiliser les lumières du sapin?

CI -- Ça va, hein, la Belle au Bois Dormant. Au lieu de te moquer, tu devrais en prendre de la graine...

MI -- Oui, mais ça ne te fais pas un peu peur, quand même? De la corde? Verte?

CI -- Copain indigne m'a dit--

MI -- Je sais! Il t'a dit: "T'inquiète pas chérie, c'est nouveau alors ça va juste durer cinq minutes"?

CI -- Pfff. Non, il a dit: "Sois courageuse. Tu n'auras qu'à fermer les yeux, ça ne fera pas mal, je te le promets."

MI -- Je suis rassurée...

CI et MI sirotent leur café, pensives. Puis:

MI -- Sérieusement, 120 pieds de cordes... Je peux te demander un service...?

*** PLUSIEURS HEURES PLUS TARD. LES INVITÉS SONT VENUS, PUIS REPARTIS. MÈRE INDIGNE ET PÈRE INDIGNE SE METTENT AU LIT... ***

Père indigne -- En tout cas, la dinde, bravo.

Mère indigne -- Tu as aimé? Vraiment?

Père indigne -- Qu'est-ce qu'on pouvait ne pas aimer? La corde en nylon vert, les noeuds coulants autour des pattes, la poitrine et les cuisses expertement ficelés...

Mère indigne -- C'était joli, hein? J'ai potassé mes noeuds sur Internet, et j'ai pratiqué tout l'après-midi.

Père indigne -- Dommage que ça ait déteint.

Mère indigne -- C'est pour ça que je l'ai servie un peu sous la salade. Pour camoufler.

Père indigne -- Hum.

Mère indigne -- Écoute, je suis contente que tu aies aimé la corde verte. Regarde... Il en reste...

Père indigne -- Mon Dieu... Les filles ne sont pourtant pas si insupportables...

Mère indigne -- Pas pour les filles, franchement. Pour nous. Pour expérimenter.

Père indigne -- Expé... Non.

Mère indigne -- Voui. Allez, laisse-toi faire, mon amour. Et hop! Un petit noeud par ci, un autre par là... Ne t'inquiète pas, je ne vais pas m'endormir en te laissant comme ça...

Père indigne, dûment immobilisé -- Et maintenant, quoi?

Mère indigne -- Maintenant, je sors mon ordinateur... Je fais une recherche avec "vacances destination soleil Mexique"... Ahahahaha! Je vais nous réserver un forfait, et tu ne peux rien faire pour m'en empêcher!

Père indigne -- NON!

Mère indigne -- Allez chéri, sois courageux. Tu n'as qu'à fermer les yeux, ça ne fera pas mal, je te le promets...

Tuesday, December 18, 2007

Appétit de destruction (une fiction cathartique)

(Un billet bête et méchant -- pour Noël, vous n'en méritiez pas moins!)

***

Mère indigne -- Tu sais, d'habitude, je suis une assez bonne mère.

Maman copine -- Hum...

Mère indigne -- Non, mais, sérieusement, en général, je suis assez, disons, émerveillée par mes rejetons et encline à faire naître la joie dans leur coeur. Genre.

Maman copine -- Mais...?

Mère indigne -- Mais... des fois, j'ai comme des mauvaises impulsions.

Maman copine -- Pire que d'habitude? Tu me fais peur.

Mère indigne -- Je te donne un exemple. Bébé. Elle a été à l'hôpital l'autre jour, et depuis ce temps-là, à chaque fois que je dis le mot "docteur", c'est la crise.

Maman copine -- Oui, mais c'est pas comme si tu faisais exprès pour le dire.

Mère indigne -- C'est que...

Maman copine -- Tu fais pas exprès, quand même?

Mère indigne -- Ben... C'est comme une expérience, tu vois? Je... j'ai comme envie de tester. Pour voir si ça marche vraiment à tout coup. Ou si elle se désensibilise, genre. Alors quand elle me dit "Faut pas toooomber, faut pas tooomber", je réponds "Non, hein, faut pas se faire des gros bobos sinon on va être obligés aller voir le DOCTEUR". Et pis là, ça y est. Elle pleure.

Maman copine -- Pas encore désensibilisée.

Mère indigne -- Non.

Maman copine -- (Soupir.) Tu fais dur.

Mère indigne -- Non mais, ça ne t'arrive jamais, à toi, de vouloir être méchante? D'avoir le goût de faire une télé-réalité pour les 3-4 ans avec le Père Noël qui enlève sa barbe? D'avoir l'impulsion de dire à ta fille qu'il reste plus de bonbons d'Halloween, pas parce qu'elle les a déjà tous mangés, non, mais parce que tu as jeté son sac encore plein aux poubelles?

Maman copine -- ...

Mère indigne, s'enflammant -- Tu n'as jamais eu le goût de... de détruire le bonheur?

Maman copine -- Je m'excuse, mais non.

Mère indigne -- Bizarre.

Fille Aînée s'approche sur ces entrefaites.

Fille Aînée -- Maman, est-ce que je peux prendre une figurine de Père Noël en chocolat pour dessert?

Mère indigne -- Oui, à condition que tu en donnes un petit bout à ta soeur.

Fille Aînée, regardant quel serait le plus petit bout possible à partager -- Son chapeau, par exemple?

Mère indigne -- Tu fais comme tu veux, mais tu partages.

Et Fille Aînée de commencer à essayer de détacher le plus délicatement possible le chapeau du Père Noël, question d'abîmer le moins possible la belle figure du gros bonhomme qui n'existe même pas dans la vraie vie.

Mère indigne, en apparté à Maman copine -- Tu vois, ÇA, ça... ça m'ÉNERVE. La voir en train de gosser sur son Père Noël pour ne pas le briser, alors qu'elle va finir par le manger de toute façon dans les dix prochaines minutes... Moi, là, MOI, je lui foutrais mon poing sur la GUEULE, au Père Noël. KAPLANG! Plein de morceaux partout. Après, on le partage avec tout le monde pis on n'en parle plus, cibole!

Maman copine -- Tu t'énerves pour rien. Je suis sûre que tu faisais la même chose avec tes figurines en chocolat quand tu étais petite.

Mère indigne -- Ben oui, je faisais la même chose. J'étais STUPIDE.

Maman copine -- Cal-me-toi. Tout-va-bien. Ta fille va se débrouiller et tu n'en entendras même plus parl--

Fille Aînée -- Maman, maman, j'arrive pas à séparer le chapeau du reste du Père Noël. Veux-tu m'aider?

Mère indigne, suave -- Mais ouiii. Bien sûûûr, ma chériiie. Allez, donne-moi cette figurine.

KAPLANG!

Fille Aînée et Copine maman -- Nooon!

Mère indigne, un large sourire aux lèvres -- Voilà! On va pouvoir partager le chocolat avec tout le monde et on n'en parle plus!

Fille Aînée ramasse les morceaux de chocolat en tremblotant pendant que Bébé, flairant l'aubaine, s'approche discrètement de la table.

Maman copine -- Franchement! C'est nul, ce que tu viens de faire. Faut vraiment être malade.

Mère indigne -- Malade? Alors d'après toi, il faudrait que j'aille voir le DOCTEUR?

Bébé -- OUIIIIIIIIIIIN!!!

Mère indigne, d'excellente humeur -- Bon, Fille Aînée, amène un autre Père Noël à Maman. Tout le monde ensemble, là, on va faire une belle thérapie.

Sunday, December 16, 2007

On n'apprend pas à une maman singe...

Je sais, je sais.

Cinq longs mois que je vous néglige, et tout à coup, BANG! Un billet. Ne pensez pas que je ne suis pas un peu étourdie moi aussi.

Et un billet... Mon dieu, comment dire? Un billet choquant.

Bon, c'est vrai. Nous sommes sur le Off Indigne, après tout. Il faut s'attendre à être bousculés, ici. Faut aimer l'électrochoc de la maternité gone mad.

Et puis aussi, je vous connais, bande de coquines. On vaque à ses occupations de mère au foyer, on a l'air de ne penser qu'aux purées bio et aux couches à changer, mais dans le fond du soutien-gorge d'allaitement, on ne rêve que d'une chose: parler de sexe! (Attention hein. J'ai bien dit "parler". Parce que "faire", non. Jamais. Hum.)

Alors comme c'est bientôt Noël, je me suis dit, pourquoi ne pas aller leur titiller un peu la glande du Jean-Louis? Mais sans vous parler de Jean-Louis, hein. Oh, que non.

Ne vous inquiétez pas pour Jean-Louis, mesdames. Il va bien. Très bien. Mais entre nous deux, c'est fini. Je n'ai pas eu le choix de rompre: il a offert un slip transparent à Père indigne pour ses 40 ans. Et plus tard, dans l'intimité, Père indigne, au lieu de le brûler (le slip, pas Jean-Louis) sur l'autel de l'hétérosexualité aveugle, a eu l'audace de l'enfiler (le slip, hein, pas...). Le pire fou rire que j'ai eu de ma vie pendant les préliminaires. Ça a failli faire tout rater. Alors voilà. Exit Jean-Louis.

Mais ne dit-on pas "Le roi est mort, vive le roi?" Parce que, Mesdames, il faut que je vous présente Jean-Jules.

Jean-Jules, c'est un vieil ami. Le genre d'ami qui, au lieu de se mettre tranquillement en ménage et de faire des gentils enfants comme le font les gens les plus intelligents de la planète (nous, par exemple), continue à vivre une vie de dégénéré dans un célibat éclaté et jouissif. Euh, je veux dire, un célibat morne et triste, hein. Comme le sont tous les célibats, n'est-ce pas? Ouais, enfin bref. Jean-Jules.

Il se croit très fort, le Jean-Jules, avec ses trente-huit maîtresses dans chaque ville du monde et ses occasionnelles escapades dans des endroits sombres où on peut se faire faire des guilis-guilis par plus de dix doigts à la fois (pour moi qui suis horriblement chatouilleuse, un véritable cauchemar).

Il se croit fort, mais il y en a des bien plus fortes que lui. J'ai nommé: les mères de famille. À preuve, cette conversation que nous avons eue la semaine dernière, chez lui, lors de la pause-lunch d'une réunion de travail. Si si, de travail.

JEAN-JULES, entre deux bouchées de patates pilées -- Tu sais pas quoi, l'autre jour, j'ai parlé à une nana dans un bar. Une habituée des clubs échangistes. Et là...

MÈRE INDIGNE -- Mon dieu! Tu me fais penser. Faut absolument faire la pige pour les échanges de cadeaux de Noël. Ça s'en vient tellement vite. Bordel.

JEAN-JULES -- Allô? Tu m'écoutes? Clubs échangistes?

MÈRE INDIGNE -- Euh... Oui, oui, je... c'est justement ça que je voulais dire par "bordel".

JEAN-JULES -- Ouain. Bon, bref, j'ai parlé avec une nana dont le rêve était de se faire prendre par deux gars en même temps, au même endroit!

MÈRE INDIGNE -- Dans le club échangiste?

JEAN-JULES -- Hein?

MÈRE INDIGNE -- Quand tu dis "au même endroit", tu veux dire, dans le club échangiste?

JEAN-JULES -- (Soupir.) Oui, dans le club échangiste, mais aussi AU MÊME ENDROIT. Même. Endroit.

MÈRE INDIGNE -- Même endroit, même endroit. La zézette, genre?

JEAN-JULES -- La quoi?

MÈRE INDIGNE -- La zézette. C'est le petit mot gentil qu'on a trouvé avec les filles pour dire vag--

JEAN-JULES -- OUI! C'est ÇA. Bravo.

MÈRE INDIGNE -- C'est gagné! We did it! Hourra!

JEAN-JULES -- Euh... oui, c'est ça. You did it. Deux dans un. Peux-tu croire ça?

MÈRE INDIGNE, se resservant de la salade -- Ouais.

JEAN-JULES -- T'as pas l'air impressionnée.

MÈRE INDIGNE -- Ben non. Pourquoi?

JEAN-JULES -- La Terre appelle la Lune? Deux dans un? Même dans les films pornos, j'ai rarement vu ça.

MÈRE INDIGNE, déposant délicatement son couteau au bord de l'assiette -- Écoute, mon petit poussin. Moi, j'ai des BÉBÉS qui sont passés par là. Deux. La madame, elle sait ce que c'est, avoir du gros trafic sur l'autoroute. C'est pas deux baguettes, aussi magiques soient-elles, qui vont épater une parturiente expérimentée.

JEAN-JULES, un peu mélangé entre les métaphores de circulation et de sorcellerie -- Ouais, ouais, bon. Quoi qu'il en soit, cette femme-là, elle m'a aussi dit qu'elle était super soumise.

MÈRE INDIGNE -- Oh. Une soumise de nuit.

JEAN-JULES -- ???

MÈRE INDIGNE -- Soumise de nuit, chemise de nuit... Prrfff... Non? C'est pas drôle? Je suis sûre que Père indigne l'aimerait, pourtant...

JEAN-JULES, les yeux levés vers le ciel -- Si tu pouvais arrêter de niaiser, je pourrais te dire que ce qui la branchait vraiment, mais alors là incroyablement, c'était de se faire mettre la tête dans...

MÈRE INDIGNE, véritablement inquiète -- Pas dans le bol de toilettes?

JEAN-JULES, lâchant sa fourchette -- Dans le...? Ben là, franchement! J'essaie de créer du suspense, moi, et toi tu me parles de bol de toilettes! Comment veux-tu que je dépasse ça? T'es pas très cool.

MÈRE INDIGNE, d'un air désolé -- C'est parce que Bébé a jeté sa poupée dans les toilettes l'autre jour pour lui montrer qui était le vrai patron, et heureusement elle n'a pas tiré la chasse, mais là, la tête de la poupée a rétréci dans la sécheuse et... en tout cas. Ton histoire, ça m'a fait penser à ça.

JEAN-JULES -- ...

MÈRE INDIGNE -- Encore un peu de poulet? Patates pilées?

JEAN-JULES -- Oui. Oui. Merci. (Soupir.) C'était dans un oreiller. Qu'elle voulait mettre sa tête. La fille au bar.

MÈRE INDIGNE -- Ah, bon. C'est vrai que pour le punch, c'est un peu raté. Désolée.

Un silence. Puis:

JEAN-JULES, regardant Mère indigne d'un air sournois -- Tu sais, j'ai toujours pensé que tu ferais une superbe soumise.

Mère indigne avale la dernière bouchée de sa salade. Va mettre sous clé tout objet dont elle pourrait faire un usage abusif dans les prochaines minutes pour le regretter par la suite (couteau, fourchette, talons aiguilles, scie ronde). Puis:

MÈRE INDIGNE -- Jean-Jules, la soumise, elle a deux enfants, tu te souviens?

JEAN-JULES, l'air inquiet -- Voui.

MÈRE INDIGNE -- Alors tu sais ce qu'elle te dit, la soumise? Elle te dit de terminer ta viande et tes patates pilées. TU ME NETTOIES CETTE ASSIETTE. IMMÉDIATEMENT. Ensuite, tu me débarrasses la table. Et finalement, tu vas réfléchir dans ta chambre. Pendant une demi-heure, le temps de te calmer. Après ça seulement, tu auras la permission de revenir ici. Tu devras alors m'expliquer EN DÉTAILS pourquoi tu as été puni et quelles leçons tu en as tiré. Compris?

JEAN-JULES, fixant le sol -- Voui.

MÈRE INDIGNE -- Voui QUI?

JEAN-JULES -- Voui... madame?

MÈRE INDIGNE -- Voilà. Bien. Très bien. Et ensuite, tu me raccompagnes à la maison. Il y a du ménage à faire.