Tuesday, December 23, 2008

Un peu d'émotion, cil-vous-plaît

Ça se passe ce matin.

Dans un coin de la cuisine joliment baigné de lumière hivernale, Bébé se traîne à genoux dans le plus pur style Ave Maria. Elle sanglote, mais avec une certaine retenue. Un genre d'intériorité. Certains pourraient même dire, avec un certain don pour le théâtre. Personne ne sait au juste ce qui a provoqué cet élan subit de grosse pei-peine; elle non plus, d'ailleurs.

Fille Aînée -- Maman, Bébé dit qu'elle ne sait pas pourquoi elle pleure.

Mère indigne -- Oh, tu sais, ta soeur doit bien avoir ses raisons. (Elle veut nous emmerder, oui.)

Fille Aînée -- Tu sais, moi aussi, ça m'arrive, parfois. (Silence.) Ça m'arrive, tu sais, d'avoir les yeux pleins d'eau sans savoir pourquoi...

Ooooh, que je me dis. Ça, c'est ma Fille Aînée tout craché. Une belle sensibilité, les émotions à fleur de peau. Cheminant dans la vie toujours à la frontière entre fragilité et vulnérabilité. Un petit être bien attachant. Qui nous change de l'autre comédienne.

Fille Aînée -- Parfois, ce n'est même pas parce que je suis triste. Ça peut m'arriver quand je chante dans la chorale, ou même quand je suis dans la cour de récré... Tu sais, je sens les larmes monter...

Mon Dieu. L'ultra-moderne solitude. "Elle sent venir une larme des profondeur... Des fois, on sait pas bien c'qui s'passe..." Alain Souchon, sors de ce corps.

Mère indigne -- Oui, je sais. Parfois, on devient ému, et c'est difficile de savoir tout de suite pourquoi on est ému, de déterminer exactement quelle émotion nous ressentons... Est-on triste ou heureux? Nos larmes arrivent avant que nous p--

Fille Aînée -- Euh, non, pas vraiment. En général, c'est parce que j'ai un cil dans l'oeil.

Mère indigne -- ...

Fille Aînée -- Pis quand je l'enlève, y'a aussi une larme qui coule.

Mère indigne -- Tu m'excuseras, chérie, faut que Maman aille écrire un petit mot à Alain Souchon. Ça risque de péter sa baloune, mais il faut que vérité se sache.

***

Sur cette belle anecdote, je vous souhaite de très belles Fêtes, remplies d'émotions et surtout pas de cils dans l'oeil! J'ai passé une superbe année en votre compagnie. Merci d'être là! On se revoit en 2009... avec plein de surprises! :-)

Saturday, December 13, 2008

Quotidien ingrat

Bébé -- Mamaaan, pourquoi Mickey Luke il est triste?

Mère indigne -- Parce qu'il est tout seul pour rentrer chez lui.

Bébé -- Mais, mais, mais, pourquoi il est tout seuuul?

Mère indigne -- Euh. Parce qu'il n'a pas beaucoup de frères comme les Dalton.

Bébé -- Moi, moi, moi, il est où mon frère Diegoooo?

Mère indigne --Dans la télé, avec sa vraie maman qui le laisse frôler la mort dans l'allégresse.

Bébé -- Mais, mais, mais, pourquoi les Dalton y z'ont beaucoup de frèèèères?

Mère indigne -- Parce que leur maman était très motivée.

Bébé -- Mais, mais, mais, pourquoi leur maman...? pourquoi...? Pourquoiiiii?

Mère indigne -- Euh... Leur maman, c'est Ma Dalton, tu sais, la vieille dame qui--

Bébé -- JE SAIS, MAMAN, JE SAIS!!! Ça suffit, sinon tu vas aller dans ta chambre. C'est MOI qui PARLE! Arrête.

Mère indigne -- ...

Bébé -- Arrête, j'a dit.

C'était l'heure de l'apéro. J'ai été le prendre dans ma chambre sans même y être obligée.

Non mais.

Saturday, December 06, 2008

Ville (Lumières)

Père indigne et moi, nous sommes présentement en voyage mi-affaires mi-plaisir dans une petite ville reculée mais qui possède néanmoins un certain charme rustique. Attendez, je vérifie le nom; ah, voilà. Paris. Vous connaissez peut-être, c'est dans la lointaine banlieue de Laval.

Pour ce faire, nous avons dû nous résoudre à confier nos deux filles aux soins de Soeur indigne et de Beauf' adoré. Vous vous imaginez? Pour quelques jours, Soeur indigne et à Beauf' adoré auront quatre enfants! 4! Père indigne et moi, on s'imagine la situation, et on en a des crampes d'angoisse. Mais non, voyons, qu'est-ce que je dis là, moi. Pas d'angoisse, de rire.

(En passant, j'ai été frappée par le calme qui règne dans les aéroports de nos jours. On se balade, on mange, on prend un pot au bar, sans aucun stress! Ah oui, c'est vrai, je n'avais pas les enfants.)

Enfin bref, j'ai reçu tout à l'heure ce courriel de Soeur indigne que j'ai cru bon de partager avec vous:

***

Nous sommes sortis après souper avec les Fantastic 4 voir les lumières de Noël sur la rue du Côteau.

Question: "Les filles, quelle est votre couleur de lumière préférée?"

Réponses:

Nièce adorée -- Bleu.
Petite nièce atomique -- Vert.
Fille Aînée -- Rouge.
Bébé (avec beaucoup d'enthousiasme) -- BRUN!

Ceci dit, on s'amuse follement. Les filles sont d'humeur festive.

Signé: Soeur indigne prête pour un apéro

***

(Quand Soeur indigne dit que les filles sont d'humeur festive, j'imagine, non, je sais que ça doit y aller très fort sur le bricolages des Fêtes dans sa chaumière. Mais Soeur indigne, elle aime ça, le bricolage. Elle a même, chez elle, autre chose pour en faire que du papier construction et un gros sac de boules d'ouate. J'avais acheté ces boules la fois où Fille Aînée a fait une otite il y a cinq ans. Un sac énorme, tellement je croyais qu'elle allait y rester si je ne lui bourrais pas les oreilles avec. J'en ai finalement utilisé trois ou quatre, au plus, mais côté bricolage, ce fut un bon investissement. Pour faire la barbe et les roustons du Père Noël, c'est d'un chic!)

Bref.

Des lumières brunes.

Je vois déjà Bébé plus tard. "Je pense que je vois la lumière au bout du tunnel. C'est beau, c'est tout brun, ça me rappelle Noël."

Dans le jargon technique, je pense qu'on appelle ça une phrase anale.

Tuesday, December 02, 2008

Et vlan dans les dents

Maudit Halloween.

Pour un parent qui a une peur maladive des dentistes (une phobie qui s’explique par un dur retour à la réalité lors du premier rendez-vous de Fille Aînée), c’est le pire des scénarios : en moins d’une heure, on ramasse assez de cochonneries pour se faire demander des bonbons pendant un siècle.

Bébé – Maman, maman! Écoute. Tu vas me donner ma citrouille.

La citrouille, vous l’aurez deviné, est le repaire de toutes les saloperies. Père indigne, l’autre jour, a suggéré que nous remplacions, au cœur de la nuit, les friandises dans la citrouille par des fruits et des barres de céréales. Mais juste avant d’accomplir notre méfait, on s’est repassé des films de Bébé en crise et on a changé d’avis.

Moi, qui aime tout de même vivre dangereusement – Non chérie. Tu sais bien, les bonbons, c’est seulement pendant la fin de semaine. Et là, on n’est pas la fin de semaine. On est maaarrrdi. Tiens, on pourrait nommer ensemble les jours de la sem-

Bébé, sortant sa vieille rhétorique poussiéreuse – J’a besoin? J’a le droit?

Moi – On n’a pas le droit d’avoir des bonbons, chérie. Et aujourd’hui, tu n-

Bébé, calmant sa mère hystérique à coup de petites tapes sur la cuisse – Attends, attends, attends. Une seconde. Une seconde.

Puis, prenant un air pénétré (à moins que ce ne soit ‘pénétrant’? On pourrait en parler longtemps): «Je vais te dire un mot magique.»

Bébé investit le pavillon de mon oreille et elle chuchote, en ouvrant grand les yeux: «S’illll-teeee-plaîîîîîîîîîîît…»

Moi, amusée – Aaaaah. C’est ça le mot magique?

Et je pense que, « non mais… Elle est trop mignonne, cette enfant, c’est pas possible... Je crois que je vais céder. » Père indigne, qui assiste au spectacle, lève les yeux au ciel. Il sait que je vais céder.

Bébé – Ouiiii! C’est magiiiique! Là-tu-me-donnes-ma-citrouille.

Moi, cédant – Tiens, ta citrouille. T’es trop charmante, toi. Mais tu prends juste un bonbon, et c’est le dernier.

Bébé – Oui. Juste un. Pas deux! Est-ce que Bébé prend deux bonbons? Nooooon.

Moi – Trop mignonne.

Quelques minutes plus tard. À peine.

Bébé – Maman, maman! Écoute. Tu vas me donner ma citrouille.

Moi – Ah, mais là, non! Non, ma chérie. Déjà que Maman a fait une exception tout à l’heure. Les bonbons, c’est pour la fin de semaine, tu sais ça. Sinon, tu vas avoir bobo à tes dents, puis à ton petit bed-

Bébé, faisant de grands gestes apaisants en direction de sa folle de mère – Attends, attends, attends. Une seconde. Je vais te dire un mot magique.

Moi – Non, non, non. La magie n’opérera pas cette fois-ci. Tu as déjà eu ton b-

Bébé, les yeux écarquillés, l’air de David Copperfield qui va faire apparaître un diamant du cul d’une vache – Pipiiiii-cacaaaaaaaaaa.

Moi – Pipi-caca?

Bébé, parfaitement ravie – Oui. Pipiiiii-cacaaaaaaaaaa.

Moi, parfaitement déstabilisée – Ton mot magique, c’est pipi-caca.

Bébé, d’un ton assuré et avec un sourire radieux – Oui! Et là, là, là… Tu-me-donnes-ma-citrouille.

Comme, genre, style, tu-suite.

D’une main tremblante, je ramasse ma mâchoire qui est descendue au niveau de mes genoux. Mes paumes deviennent chaudes et humides, comme on dit dans les revues inappropriées. Mon cœur se met à battre une pauvre chamade qui deviendra toute pleine de bleus, à force.

Rien ne sert de me cacher la tête dans la sloche : ce qui me regarde du haut de ses trois pommes, c’est la subversion incarnée. Et si je la laisse faire, jusqu’où tout cela va-t-il nous mener?

Au lieu de dire bonjour, elle va prendre un air angélique pour nous servir un «va crever dans la ruelle, chacal»? À la place de «merci», on aura droit à un allègre «tu pues de la raie»? Bébé, future Madame Je-signale-à-gauche-et-je-tourne-à-droite? Fondatrice de l’Église réformée de la Sainte-Trinité du Pipi-Caca-Poil?

Avec tout ça, chers lecteurs, je suis profondément ébranlée.

Moi qui croyais être indigne! Bouche bée devant Bébé, je comprends ma vraie nature. Je suis une soft subversive. Une fausse irrévérencieuse. Une prétendue cynique. Bref, une guimauve. Et même pas les vertes ou les roses, là; les blanches. À peine trois ans, et Bébé a déjà dépassé gaillardement les limites de tout ce que sa mère a même jamais osé imaginer.

J’ai trouvé mon maître.

Devant ce constat douloureux, brisée par la honte, cassée par la défaite, j’aurais toutes les raisons de m’écraser et de hurler ma douleur de l’ordinaire en me roulant partout sur le plancher flottant de mon split-level lavallois. Rhââââââ-hâââ…

Mais non. Je ne le ferai pas.

Bon, d’une part, c’est vrai, le plancher est un peu sale. Mais surtout, ce qui est merveilleux dans cette histoire, c’est que c’est tout de même moi, la maman, les copains! Et même pleine d’une admiration malsaine devant sa progéniture diabolique, qu’est-ce qu’elle dit, la maman?

Moi – Ouais, hé ben, t’auras rien avec des pipis-cacas, chérie. Maintenant, tu vas retourner regarder Dora et apprendre à dire «merci» en 18 langues.

Non, mais c’est vrai, quoi. La rébellion, je veux bien, mais encore faut-il savoir contre quoi on se révolte. Ça lui fera les dents mieux que ses bonbons pourris.

Suite de quoi, la conscience tranquille, j’ai piqué une grosse poignée de caramels dans sa citrouille et je suis retournée à mon roman policier.

Il me semblait que, dans les circonstances, c’est ce que j’avais de mieux à faire.

Monday, December 01, 2008

Bébé outsider

Elle me demande de lui faire une cabane du feu de Dieu. Je m'exécute.

Et voilà où elle va se nicher...


Combien on parie qu'elle voulait la cabane juste pour pouvoir rester à l'extérieur?