Saturday, March 15, 2008

À la recherche de l'élégance perdue

Billet radiophonique lu ce matin à l'émission Nulle part ailleurs (Radio-Canada, Sudbury). Le billet audio sera en ligne sur le site de l'émission plus tard aujourd'hui.

***

Moi, je dois vous dire franchement, en tant que parent, je ne crois plus tellement à l’élégance.

Songez aux deux gestes cruciaux qui définissent les êtres humains depuis des millénaires : s’habiller, se déshabiller. Il arrive qu’on essaie de le faire avec élégance, une tâche parfois ardue, mais somme toute agréable. Cependant, quand on a des enfants, on se rend compte que se vêtir et se dévêtir avec élégance peut devenir un combat contre les forces d’un mal sournois, j’ai nommé : le mal habillé.

Sans enfants, ah, sans enfants... Je songe à ma vingtaine, et je revois cette jeune femme butinant dans sa garde-robe, examinant chaque morceau d’un oeil critique mais avec le coeur plein d’espoir, sortant d’un ensemble coordonné pour mieux entrer dans un autre, se changeant entre 10 et 150 fois afin d’être la plus belle pour aller danser...

Aujourd’hui, si je me change entre 10 et 150 fois, c’est parce qu’un bébé a régurgité sur mon chandail ou est venu se moucher dans ma jupe. Encore et encore. Et si je danse, c’est avant de sortir, et pour éviter les doigts pleins de confiture d’une fillette qui se découvre des envies de câlins post-tartine.

Sans enfants, ah, sans enfants! On collectionne des sous-vêtements sexy qui nous donnent l’air et les ailes d’un oiseau des Caraïbes. La beauté intérieure? On s’en moque. On n’a pas besoin de se sentir belle à l’intérieur, on rayonne suffisamment dans notre micro soutien-gorge en dentelle rose qui arriverait à peine à soutenir notre abondante poitrine si celle-ci ne se soutenait pas déjà fièrement toute seule. Et dans notre string léopard, on a certes peur des courants d’air, mais on est prête à toute éventualité.

Après les enfants, hof, après les enfants... Notre beauté intérieure, mesdames, c’est tout ce qu’il nous reste. Nos sous-vêtements sexy? Nos enfants s'amusent avec. Quoi de mieux qu’un soutien-gorge en dentelle rose pour simuler le bonnet de nuit de poupée Cendrillon? De toute manière, après l’allaitement, on a pratiquement besoin d’un corset en acier galvanisé pour redonner un peu de oumph! à ces deux inconnus qui se sont lâchement rapprochés du centre de gravité terrestre sans nous demander notre avis. Quant à notre string léopard, ne dirait-on pas qu’il a été créé exprès pour remplacer les courroies défectueuses de la poussette de Barbie?

Sans les enfants... (soupir). Sans les enfants, notre amoureux nous trouve à croquer dans notre nouvelle robe à fleurs et nos escarpins chics. Paradoxalement, cette admiration provoque en lui l’envie de nous dévêtir sauvagement afin de nous interpréter la « Flûte enchantée » version 18 ans et plus. Ce à quoi nous acquiesçons, n’est-ce pas, mesdames? Tout ce qu’on risque, c’est que notre jolie robe à fleurs soit un peu froissée, mais ce sera amplement compensé par le rose délicieux qui nous montera aux joues.

Les enfants, bien, les enfants... Eux aussi, ils nous trouvent belle. Surtout les petites filles. Et les petites filles aussi veulent nous déshabiller. Pour nous piquer nos trucs! Pour parader dans la cuisine en faisant clic-clac, clic-clac avec nos escarpins que nous retrouverons plus tard remplis de confiture. Pour tournoyer dans notre belle robe à fleurs, si jolie, tout en profitant de l’occasion pour se moucher le trop-plein dans la manche.

Je sais de source sûre que certaines parmi nous ont eu l’audace de se rebeller. Que certaines mères, dont j’admire le courage, ont refusé de céder leurs habits de bal à leurs fillettes revendicatrices. Mais alors là, les petites, elles se mettent à pleurer, et Maman les prend dans ses bras, et elles finissent quand même par se moucher dans sa manche, les vauriennes.

Je pourrais continuer comme ça indéfiniment. Sans enfants, on se remonte les cheveux dans un chignon négligé qui dénudera notre gracieux cou de gazelle. Avec les enfants, on s’attache les cheveux n’importe comment, soit pour ne pas se les faire arracher, soit pour ne pas laisser deviner qu’on n’a pas eu le temps de se coiffer pendant les 4 dernières années. Autant se le dire entre nous, ça ne fonctionne pas du tout : on a quand même toujours l’air de s’être pris la perruque dans le ventilateur.

Quant au parfum, vous avez autrefois utilisé ce précieux liquide afin que ses effluves enivrants attirent auprès de vous le meilleur géniteur possible pour la reproduction de l’espèce. Votre manoeuvre ayant porté ses fruits, vous voilà maintenant réduite à vous en asperger afin de camoufler la petite odeur de lait caillé qui semble dorénavant vous suivre partout. Et là non plus, ça ne fonctionne pas.

Finalement, être mère, c’est comme vivre la vie de Cendrillon, mais au complet . Ils vécurent heureux, ils eurent beaucoup d’enfants, et Cendrillon se retrouva à faire le ménage en haillons comme dans le bon vieux temps. Allons, soyons modernes : le Prince aussi.

Ceci dit, nous serions bêtes de concéder la victoire sans nous battre. C’est pourquoi je m’apprête illico à aller me dénicher une jolie petite robe fleurie que je jure de porter l’été prochain pour aller danser, quitte à l’enfiler en cachette, sur le siège arrière de la voiture.

Pourvu qu’il n’y traîne pas une vieille tartine.

22 comments:

Ropib said...

J'aime beaucoup la référence à Cendrillon. D'ailleurs je ne ramasse plus les chaussures abandonnées désormais.

A part ça j'ai reregardé votre photo du journal: quelle est votre marque de ventilateur ?

Anonymous said...

Je viens de te taguer, va voir les règlements sur mon site
http://labelleaubois.blogspot.com/2008/03/tag.html

Anonymous said...

J'ai toujours dit que ce n'était pas l'allaitement qui est contraceptif, c'est le soutif et l'odeur de fromage frais qui va avec...:-)

Anonymous said...

pas encourageant mais tellement vrai... Je lis pour l'instant Une maman à L.A. de Risa Green et je pleure de rire... ou je ris jaune ça dépend des chapitres!

Sociétés et Décadence said...

C’était déjà un immense plaisir que de vous lire, mais là, de vous entendre, je suis sans mot !

Anonymous said...

c'est vrai que c'est archi découragent.. moi qui a 30 ans essaie de me convaincre que ce sera pas si mal des enfants et que ça apporte aussi plein de belles chose..mais quoi? Plus je lis pire c'est..attention mesdames ceci, attention cela...C'est quoi, une bombe nucléaire a retardement un bébé? À en croire tout ce qu'on lis, non seulement ça peut te péter ton couple mais ton corps et ta vie entièere.. et que j'ai le gout moi là!!!!

Anonymous said...

@anonymous
en fait cela t'apporte l'amour inconditionnel (au moins jusqu'à l'adolescence)puis parfois cela donne un vrai sens à la vie, une raison de se battre aussi. On devient moins égocentrique même si parfois on regrette de ne plus pouvoir l'être juste 5 minutes.

zazou said...

Tellement réel!
Faut pas oublier le truc de se laver, se maquiller, se pomponner. Puis on prépare bébé. Quand la gardienne est arrivée, on s'habille, ou encore quand bébé est bien au chaut dans son siège d'auto.
Sinon, c'est les multiples t-shirts sales durant la journée... pour s'habiller 'propre' à la toute dernière minute.

Anonymous said...

Mouahahahah. C'est si bon de vous lire. Ca ne fait pas dégonfler les poches sous les yeux, mais ça fait travailler les joues et le sourire (c'est toujours ça de gagné contre les rides).

Caroline said...

ropib: merci pour le compliment, mais ils ont sûrement tout retouché avec Photoshop... ;-)

la belle: c'est gentil, mais je n'ai pas beaucoup de temps pour répondre aux tags, je préfère écrire des textes! :-)

MJ: oui, le petit compartiment à lait caillé, là, dans le fond des bonnets... Beurk.

anonyme: les enfants, c'est génial. Ça demande quelques ajustements à notre façon de concevoir certains aspects de notre vie (comme la perfection vestimentaire...), mais je ne retournerais pas en arrière!

marjan: je pense aussi que les enfants nous aident à devenir de meilleures personnes. Je pense qu'on peut y arriver sans... mais disons qu'ils nous donnent le cours en accéléré! :-)

zazou: je m'habille le plus possible à la dernière minute aussi, mais parfois, on a l'audace de penser qu'on va pouvoir défier le destin... mais non... ;-)

syven: Merci! Ça me fait plaisir de vous faire travailler... ;-)

Anonymous said...

pas plus tard que ce matin, j'arrive fraichement vêtue au boulot... enfin... je le croyais, jusqu'à ce que je remarque la grosse trainée de morve sur mon épaule... gloups... Au moins personne n'a fait de remarque, parce après la nuit d'enfer que j'ai passé: réveillée par l'un a 3h qui a soif et se plante dans l'escalier et l'autre à 5h30 pour les mêmes raisons, l'escalier en moins... je vous dis pas l'humeur ce matin.

Moukmouk said...

Ça ne dure pas toute la vie... à peine 15 ans et après on les regrette. ( preuve que les humains sont franchement imbéciles)

Sociétés et Décadence said...

« Mère Indigne »,

Personnellement, je crois, lorsqu’il est question de vous, que l’élégance ne peut se perdre. À ce propos, d’ailleurs, je crois que Guy Béart serait en parfait accord avec ce que j’avance…

Ropib said...

@sociétés et décadence

Je suis tout à fait d'accord, en particulier comme en général. L'élégance ne s'acquiert pas ni ne peut se perdre, à l'inverse de la grâce. Mais tout le monde n'est pas d'accord.

REGOR said...

Chère Mère Indigne,

Désolé que je suis de vous ramener traitreusement sur terre....la petite robe soleil c'est pour l'été.. le soleil.. la chaleur...
Vous ne lisez plus les journeaux depuis votre maternité à ce que je vois....
D'été il n'y aura plus ....Pfuittt le soleil Pfuitt la chaleur...
Voyez dehors !!

Caroline said...

Regor: deux mots: wishful thinking... ;-)

nadia007 said...

Ah! Arrête ça, on se croirait au martyrium, je te le prêterai mon maudit soutif en léopard... Pas besoin de dire léopars trois ou quatre fois!

Caroline said...

Nadia: Oh! Je n'avais pas pensé à ton... état... de l'autre soir. Ça a marqué mon inconscient, faut croire...

Anonymous said...

Filla aînée a eu une grosse période "vas-tu mourir bientôt?" vers 4 ans. C,était toujours parce-qu'elle voulait la robe/blouse/collier que je venais d'acheter.
Ceci dit, il faut croire que ça ne change pas avec les génération car je me rappelle avoir pris en cachette la super robe longue qui tourne de ma mère pendant qu'elle était allée faire des courses. Je devais avoir 8 ans. Allez hop! Sur le vélo qui s'était transformé en cheval...jusqu'à ce que ma mère me retrouve en larme, sa belle robe bien accrochée dans la chaîne de mon vélo! Poubelle la robe!

Anonymous said...

La version mère à la recherche d'un homme, de la "beauté intérieure".
http://labelleaubois.blogspot.com/2008/03/ternelle-splendeur.html

marikris said...

un peu de patience. d'ici quelques années vous allez reprendre plaisir à vous faire belle.

Anonymous said...

Tout à fait d'accord avec marikris. Maintenant quand je vais acheter des vêtements avec mes filles, ce n'est pas toujours pour elles. Elles me donnent leur avis et m'aident à choisir : prends pas ça, t'as déjà l'air assez vieille, inutile de faire vieille peau. Merci mes chéries ;-)