Sunday, May 04, 2008

Changement de paradigme

Billet radiophonique diffusé hier matin à l'émission Nulle part ailleurs (Radio-Canada, Sudbury). Le billet audio sera bientôt en ligne sur le site de l'émission.

***

Moi, je dois vous dire franchement, en tant que parent, je suis éblouie. Éblouie de voir à quel point avoir des enfants change notre vision du monde.

C’est vrai, tout le monde le sait, quand on a un enfant, on recommence à voir les bourgeons qui fleurissent au printemps (en même temps que les crottes de chiens qui émergent au parc et qui fascinent nos tout-petits) et on apprécie davantage le moment présent (surtout quand les enfants sont au lit). Puis prendre un enfant par la main, comme disait Yves Duteil, c’est tellement émouvant... Remarquez, on pourrait aussi changer les paroles pour :

Prendre un enfant par le bras
Pour le sortir du IGA
S’il pète une crise devant le rack à bonbons
Et qu’il prend ses parents pour des cons

... mais bon, on y reviendra sûrement dans une autre chronique.

Tout ça pour dire que les enfants, ça nous transforme d’une manière qu’on n’avait pas prévue. Par exemple, je ne sais pas pour vous, mais maintenant, quand je porte des souliers à lacets, je fais toujours des doubles noeuds, sinon, je me sens moins en sécurité. Et quand je vois certaines personnes se promener dehors à -10ºC sans leur tuque, je me demande quel genre de parents ils ont pour les laisser sortir comme ça de la maison le matin. D’ailleurs, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire mes collègues de travail que c’est moi qui ai cousu leurs gants à leurs manches de manteau. Ils ne m’ont jamais remerciée, mais je sais qu’ils savent que c’était pour leur bien.

Aussi, depuis que j’ai des enfants, je ne pourrais pas être serveuse au restaurant. Les clients ne pourraient pas me commander une bavette de boeuf sans que j’essaie de l’attacher autour de leur cou. En plus, je serais toujours en train de souffler sur leur assiette en disant : « Attention! C’est chaud-chaud-chaud! » Et je ne sais pas jusqu’à quel point ils apprécieraient de se faire débarbouiller le bec après leur dessert.

Quand on a des enfants, on reconnaît aussi, infailliblement et chez n’importe qui, le twist de l’envie de pipi. Dès les premières nanosecondes, on sait ce qui se passe dans la région de leur slip et après une minute, on a envie nous aussi : envie d’en finir et d’aller les asseoir nous-mêmes sur la toilette. C’est pour ça que, si je donne une conférence dans un colloque et que je vois quelqu’un s’agiter sur son siège de plus en plus nerveusement, je n’hésite pas à m’interrompre : « Les toilettes sont au bout du couloir à gauche, Monsieur. Oui, vous, avec la cravate rayée. Allez-y, sinon vous allez avoir un accident! » Je ne sais pas pourquoi, mais en général, les gens à qui je dis ça, ils ne reviennent jamais pour entendre la fin de ma présentation.

Mais je dois dire que l’autre jour, dans l’avion, j’ai atteint le fond du baril. Mon voisin de siège, un inconnu, s’est mis à me raconter tous ses malheurs en long et en large. Si encore il avait été question de mésaventures sexuelles avec des personnalités connues, je l’aurais écouté jusqu’au bout, mais non. Il m’entretenait d’hypothèque et de prêts REER, et horreur, il s’est même mis à me parler de ses enfants. Mais au bout d’un moment, il s’est mis à se débattre. C’est parce que, sans même m’en rendre compte, j’essayais de lui fourrer dans la bouche une vieille suce qui traînait dans le fond de ma poche. Ça n’a pas tellement bien marché. Il a appelé ça une « atteinte à son intégrité physique », les agents de sécurité sont intervenus... Je leur ai dit que ça suffisait, j’ai compté jusqu’à trois et comme ils ne me lâchaient pas, je les ai tous envoyés réfléchir dans leur chambre.

Ça non plus, ça n’a pas tellement bien marché. En ce moment même, je vous parle en direct d’une cellule capitonnée et insonorisée, vêtue d’une chemise blanche à très longues manches. Mais ce n’est pas si désagréable. Ils m’ont laissé la su-suce et Père indigne est venu me porter un biberon de gin tonic. J’espère seulement que ma maman viendra me lire une histoire avant le dodo...

17 comments:

Anonymous said...

Je le savais !!!! Merci de confirmer mon intuition ! (et merci pour les rires)

Gilles Herman said...

Je t'avais pourtant dit de prendre la pilule bleue !

Caroline said...

ophise: ça m'a pris un moment avant de réaliser que ce que vous *croyez* savoir, c'est que je suis bonne pour l'asile! Ah, ben oui, hein, merci! Non, sans blague. Merci. ;-)

Gilles: parfois Père indigne me les subtilise afin de rigoler en voyant ce que ça donne.

Anonymous said...

Ahahaaaa :)
J'ai bien rit de la fin du billet ! =P

Amélie... said...

Merci Mère indigne de partager ton humour avec nous... Espérons qu'un ordi et Internet (sans fil:) te seront livrés dans ta cellule...

Mona said...

j'adore ton post ! tellement que je vais le citer sur mon blog paske il mérite d'être lu par mes copines-mamans-gaga-infantilisantes !

Anonymous said...

le summum de l'art indigne ce billet!
aaaaaaaaahhhhhhhh quel pied!:D

marie

Anonymous said...

Les doubles noeuds sur les souliers à lacet: trop vrai!! Je rajouterais la capacité de reconnaître un mensonge au simple ton de la voix et l'habileté d'avoir toujours sous la main l'outil nécessaire à la situation, caché au fond d'un sacoche qui a pris presque autant de bide que nous enceinte: mouchoir, tournevis, plaster, décapant à linge, jouets pour distraire l'enfant, aspirine, etc.

Anonymous said...

C'est du GRAND Mère Indigne ça!

Ratata.

Anonymous said...

J'aurais dû écouter mes amis et te lire bien avant: ta plume est délicieuse!

Et un autre bouquin de vendu... ;-)

Anonymous said...

gros connard :D

Caroline said...

Merci d'être passé tout le monde! :-)

Contente de savoir que je ne suis pas la seule à faire des double-noeuds depuis que j'ai des enfants... ;-)

Princesse said...

Hihi ! Si je m'attendait à une fin comme ça XD
trop fort <3

Anne Jutras said...

Absolument délicieux, ce billet!
:o}

Denis T. said...

Bravo Caroline!!!
J'ai beaucoup aimé.
En plein fait pour la radio.

Syven said...

Diantre, faut que je courre aux toilettes, l'accident n'est pas loin.

F. B. said...

J'ai lu le livre et je suis encore le blog. Et c'est aussi bon.

Être indigne est toute une tâche. Et pour les moufles cousues aux manches, bonne idée... au moins, ça évite de les perdre au fond d'un sac à main encombrés de tout et de rien. Surtout de rien.

Continue de nous faire rire avec tes merveilleuses anecdotes du quotidien.